Françoise Vergier : La fille au soutien-gorge bleu
« La victime a été tuée, elle ne peut être ressuscitée, il n’y a
plus rien à faire. Reste à voir si notre intérêt peut s’éveiller, et
par exemple si l’on peut en tirer un récit. Ce fut sans nul doute
un triste événement, un très triste événement ; mais quant à
nous, nous n’y pouvons rien. Dès lors, tirons le meilleur parti
possible d’une mauvaise affaire ; et, comme il est impossible,
fût-ce en la battant sur l’enclume, d’en rien tirer qui puisse
servir une fin morale, traitons–la esthétiquement et voyons si de
la sorte elle deviendra profitable. »
Thomas de Quincey, De l’assassinat considéré comme un des
beaux-arts, 1854 in Jean-Michel Rabaté, La modernité comme
scène du crime, 2010
Je suis restée longtemps avec cette idée de vouloir faire un corps allongé féminin en sculpture.
Jusqu’à ce que je rencontre une vidéo amateur sur internet, d’une manifestante mise au sol et
durement malmenée par des soldats, le 17 Décembre 2011, lors d’un rassemblement populaire
cherchant à imposer la démocratie, sur la place Tahrir au Caire.
L’image de cette « Fille au soutien gorge bleu » a fait le tour du monde, elle est devenue
symbolique du mouvement insurrectionnel du peuple égyptien mais aussi du comportement
agressif et du harcèlement sexuel masculin envers la femme lors de ces évènements (une
soixantaine d’agressions en 4 jours).
Le lien, entre ma préoccupation artistique et ce mauvais traitement, m’a en quelque sorte sauté
aux yeux.
Mettre en rapport la beauté, la sensualité, la fragilité d’un corps de femme, un thème classique
dans l’histoire de l’art, et la violence que les sociétés peuvent exercer à tous les niveaux
ouvertement ou non sur l’être humain, m’a paru coïncider avec mon souhait de construire un
corps allongé, d’y trouver des résolutions formelles et d’en jouer, mais aussi tenter de l’adapter
à notre monde d’aujourd’hui.
Françoise Vergier, Novembre 2014
Françoise VERGIER – née en 1952, vit et travaille à Paris et Grignan
Dès le début des années 1980, les sculptures de Françoise Vergier sont habitées par la figure de la
femme : elle privilégie d’abord le bois peint, puis se consacre à la céramique. Pour cette nouvelle
exposition, les pièces majeures sont en plâtre, matériau avec lequel elle travaille désormais, sans
négliger pour autant la céramique et le dessin. Françoise Vergier nous invite à nouveau à partager ses
expériences personnelles, ses préoccupations artistiques mais aussi ses émotions liées à l’actualité de
notre société.
En 1995, le Centre Pompidou lui consacre une exposition personnelle ...oui j'ai dit oui, je veux bien Oui.
En 2004, Françoise Vergier présente ses oeuvres lors d’une exposition personnelle au Carré d’art de
Nîmes, ensuite, en 2012, à la Galerie Municipale, Vitry-sur-Seine. Elle participe à de nombreuses
expositions collectives et notamment à la Maison Rouge, Le Mur collection Antoine de Galbert (2014), au
Centre Pompidou, Donation Daniel et Florence Guerlain (2013), à la Villa Datris, Fondation pour la
sculpture contemporain (2013), au Musée des Beaux-Arts de Lyon (2011) et dans la Collection Guerlain
présentée à l’Ambassade de France à New-York (2008).
De nouvelles oeuvres ont récemment intégrées les collections publiques (Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, LaM Lille, Frac Picardie, FNAC).