Un artiste à La Marseillaise, commande publique à Olivier Menanteau

Par Pascal Beausse
Photographie d'Olivier Menanteau de la série mediagenic-la Marseillaise, 2012-2013

Olivier Menanteau, Paris, le 11 décembre 2012 Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, Conseil Economique, Social et Environnemental, de la série mediagenic-la Marseillaise, juin 2012 - octobre 2013. (Achat par commande en 2013, Inv. : FNAC 2013-0555 (5))

Photographie d'Olivier Menanteau dans le journal La Marseillaise

Olivier Menanteau, Paris, le 11 décembre 2012 Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, Conseil Economique, Social et Environnemental, de la série mediagenic-la Marseillaise, juin 2012 - octobre 2013, in La Marseillaise.

Depuis quelques mois, un photographe supplémentaire travaille au sein de la rédaction de La Marseillaise. Il fournit régulièrement aux journalistes des images couvrant l’actualité politique sur les plans à la fois local, national et international. Ses photographies sont mises en page par l’équipe du journal selon ses pratiques habituelles. Elles répondent aux besoins de complémentarité entre texte et image sur laquelle est basée la construction d’un article dans la fabrique quotidienne de l’information. Elles y répondent si bien, à leur manière, avec le style propre du photographe, que les lecteurs de La Marseillaise n’en ont sans doute pas noté la singularité.

Des corps en représentation

En effet, Olivier Menanteau n’est pas un journaliste professionnel. Il montre habituellement ses images dans le monde de l’activité artistique, plus volontiers sous la forme d’expositions et de livres. Son travail consiste depuis de nombreuses années à observer les relations qui s’instaurent entre les individus dans les lieux de l’activité politique et de la réalité sociale. Instruites notamment par la micro-sociologie, ses images sont des analyses du langage corporel développé par les acteurs de la vie publique. Le monde est une scène où chacun joue son rôle, en s’adaptant consciemment ou inconsciemment aux situations et aux relations de pouvoir, de hiérarchie - ou d’égalité tout aussi bien et de préférence – qui sont engendrées par le contexte spécifique des lieux de représentation.

Les images de Olivier Menanteau pourraient être décrites comme relevant d’un réalisme critique. Il tire parti de la force descriptive de son médium pour examiner ce que l’objectivité supposée de la photographie permet de construire en termes d’analyse visuelle. Son outil de prédilection est inhabituel : la chambre photographique de grand format. C’ est un appareil professionnel qui n’est plus utilisé depuis très longtemps par les photographes d’actualité. C’est un outil obsolète et d’une certaine manière inadéquat, qui recèle pourtant de grandes ressources, par les contraintes techniques et spatiales qu’il impose.

Un artiste embarqué au cœur des médias

À l’invitation de l’équipe des journalistes de La Marseillaise et en complicité avec Angélique Schaller, il a ainsi établi le lieu de sa recherche au cœur de la rédaction. Il a créé pour cela une agence de presse à échelle individuelle, nommée “Mediagenic”, qui produit régulièrement des photographies noir et blanc du travail effectué par les représentants du peuple au sein des instances de pouvoir et de décision, du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur au Sénat, à Matignon et à l’Élysée. Dans tous ces lieux, et en d’autres encore, Olivier Menanteau a pu travailler grâce à l’accréditation qui autorise tout professionnel à faire son travail. Habituellement, les artistes n’ont pas accès à ces premiers « cercles de l’information ».

Une commande publique

Le principe de la commande est inscrit dans l’histoire et les pratiques de la photographie. En travaillant dans le cadre de la commande publique du Centre national des arts plastiques, Olivier Menanteau et La Marseillaise interprètent de manière inédite ce dispositif qui consiste à placer dans l’espace public une œuvre nouvelle, destinée à la communauté des citoyens. Tout aussi bien qu’une place sur laquelle prendrait place un monument, les pages du journal sont pendant une année considérées comme un espace public, où des images nouvelles apparaissent avant de connaître d’autres moments de présentation, sur les murs des musées et des centres d’art, en commençant par le Musée d’art contemporain [mac] de Marseille et les locaux du journal. Les images connaîtront ainsi différentes temporalités de mise en vue, de l’actualité quasi immédiate du journal à une autre actualité, échappant au temps médiatique, celle de l’exposition, celle des spectateurs. Là où l’on pourra observer ce qui résiste dans les images, pour proposer une autre information, un autre temps de regard, réflexif et démocratique.

 

Pascal Beausse
Responsable des collections photographiques
Centre national des arts plastiques

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Dernière mise à jour le 2 mars 2021