Faire ventre de tout

une exposition de Marine Joatton
Exposition
Arts plastiques
École et espace d 'art contemporain Camille Lambert Juvisy-sur-Orge

L’univers de Marine Joatton est peuplé de créatures hybrides. Dessins et pastels prennent vie de cet univers étrange et fantasmagorique. Elle nous entraine dans des fables où des chimères inquiétantes côtoient des monstres aux allures humaines. Les corps sont-ils écartelés ou inachevés… Le trait courre sur la feuille dans une grande liberté d’expression. Marine Joatton ne s’astreint pas au bien faire. Superposition et chevauchement entretiennent cette sensation d’entrer dans un autre monde. Les figures se dissimulent à nous. L’histoire racontée est à découvrir, inventer. L’artiste réalise également des toiles de grandes dimensions qu’elle a présentées pour la première fois en 2009. Cette exposition a crée la surprise. L’inachevé de ses dessins a laissé place à des formes simples, voir simplifiées. Toutefois, on y retrouve bien son bestiaire étrange dans des fables dont on ne connait pas la morale. Née en 1972 Vit et travaille à Paris Vernissage : samedi 8 janvier 2011 à partir de 18h Rencontre avec l’artiste : mardi 11 janvier à 19h Marine Joatton est représenté par la galerie Eric Dupont, Paris

Complément d'information

Edition d'un catalogue

Texte du catalogue à paraitre:

A l’aveugle
Marine Joatton travaille à l’aveugle. Je veux dire par là qu’elle ne dessine et ne peint que ce qu’elle ne connaît pas, et ne voit pas. Et que l’aveuglement, ici, est la condition même pour que surgisse de l’inconnu. Ainsi fait-elle des dessins à l’aveugle (c’est même le titre qu’elle leur donne) : dessins réalisés à partir de transfert de fusain, ou de carbone, sans voir, donc, ce qui s’inscrit sur la feuille au fur et à mesure qu’elle trace, ou bien, parfois, en soulevant le carbone, ce qui, à la fin, produit des décalages, légers mais troublants, entre certaines parties du dessin. Troublants, car c’est l’alliance du net et de l’étrange, de la ligne et de sa brisure qui induit l’impression, non spectaculaire mais profonde, d’étrangeté. Le but, dit l’artiste, est d’abord de se surprendre elle-même : de faire surgir l’inconnu qui est en soi. Beau et difficile programme, qui exige des ruses, et des risques. Ruse du papier carbone qui, sous prétexte de reporter un trait, le rend invisible à celui qui le fait. Comme si, entre son œil et sa feuille, l’artiste dressait un écran noir. Comme si, autrement dit, Marine Joatton cherchait à se débarrasser des privilèges de l’artiste : ce pouvoir de l’œil, qui, bien plus que la main, prévoit, dirige et contrôle. Mais l’artiste veut être étonnée, et pour cela il ne faut plus prévoir, mais prendre le risque d’avancer à tâtons, sans voir ni savoir, vers son inconnu. Risque profond car ce n’est pas impunément que l’on décide de faire de son art le lieu de cette plongée au sein de son propre aveuglement, et que l’on s’en donne les moyens.
Le monstre, chez Marine Joatton, c’est-à-dire l’hybride, l’enfant-loup, le serpent-renard, le minotaure-taupe, n’est pas le fruit d’un pur jeu graphique habile façon cadavre exquis, une rêverie plaisante de la ligne qui, sans discontinuer, suscite ses avatars. Ici, comme chez Goya, c’est bien le songe de la raison qui engendre les monstres, c’est bien l’aveuglement de l’œil qui prévoit et de la raison qui contrôle qui fait surgir l’étonnant. Etonnant pour nous, bien sûr, spectateurs d’un monde métamorphique à mi-chemin du conte de fées pour enfants aimant à se faire peur et d’une mythologie où les dieux, pour mieux s’accoupler dans d’infinies variations, changent sans cesse d’apparence et de genre. Mais étonnant pour elle, rappelons-le, car Joatton ne cherche pas à nous surprendre, mais à se surprendre, ce qui, sous le même terme, désigne tout autre chose, de bien plus radical que notre étonnement face au non familier. Car pour se surprendre il faut se déposséder, et l’écran noir du carbone n’y suffit pas, qui n’abolit pas la maîtrise, cette force dont Joatton a compris très tôt qu’il fallait lui tordre le cou. Ainsi, dans les peintures sur papier, de grand format (115x 150), qu’elle a faites récemment, l’artiste est-elle parvenue, littéralement, à se prendre de cours. Œuvres de sortie de la nuit, peintes au saut du lit, pas habillée ni lavée, dit-elle, œuvres entre rêve et réveil, qui ne peuvent émerger que dans cet interstice-là, avant que la conscience ne reprenne le pouvoir. Qui voit-on, dans ces peintures de songe ? Et en quoi peuvent-elles être, pour l’artiste, étonnantes ? On y voit un monde où cohabitent animaux étranges et membres humains, qui s’entre-dévorent (où copulent) de façon si permanente que l’artiste les désigne sous le titre éloquent de Chaînes alimentaires. Et en effet, ici, on se mange avec un appétit terrible et joyeux dont on serait incapable de dire – mais sans doute ne faut-il pas choisir – s’il est mortifère ou ludique, destructeur ou créateur, fécond comme un festin de chair. Mais on y voit aussi de la peinture, c’est-à-dire de la couleur, bien sûr, faite d’encres et de pigments plus ou moins dilués, mais aussi, quand je dis peinture, comme des réminiscences – étonnantes, ici, comment le dire autrement ? – d’autres peintures, anciennes où récentes. Pourquoi, devant certaines œuvres, songer à l’art pariétal ? Pourquoi, soudain, prononcer le nom de Kandinsky ? Non par goût des comparaisons qui sont toujours l’échappatoire facile de qui ne parvient pas à mettre des mots sur ce qu’il voit et le déconcerte. Mais bien parce que le travail de Marine Joatton fait appel à la mémoire : la nôtre, la sienne. Celle de l’histoire de son art, comme celle de son histoire. Mémoire d’enfance qui, soudain, revient, quand, à l’aveugle, on peut faire tomber les barrières de l’oubli et du refoulement.
Marine Joatton n’invente rien : elle se souvient. Et c’est à cette condition qu’elle peut s’étonner elle-même. Parce que le vrai étonnement, celui qui suscite une modification de l’être dans son rapport à lui-même et au monde, c’est d’être capable de donner forme au monstrueux qui est en soi, puis de le regarder en face, les yeux désormais grands ouverts.
Pierre Wat, 2010

Autres artistes présentés

Marine Joatton

Horaires

du mardi au samedi: 14h-18h et sur rendez-vous

Adresse

École et espace d 'art contemporain Camille Lambert 35 avenue de la Terrasse 91260 Juvisy-sur-Orge France

Comment s'y rendre

– RER C ou D : station Juvisy-sur-Orge, sortie Mairie, puis prendre l’Avenue Estienne d’Orves jusqu’à l’église, à droite prendre l’avenue de la Terrasse. L’accès se fait par l’arrière du bâtiment en rez-de-jardin.
– En voiture depuis Paris : autoroute A6, puis aéroport d’Orly / N7 direction Evry. Sur la N7 sortie Juvisy centre ville / centre hospitalier.

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022