Etrange nature

Avec Kate Atkin, Cécile Beau, Emilie Benoist, Hicham Berrada
Exposition
Arts plastiques
Pavillon Blanc Henri Molina Médiathèque | Centre d’art de Colomiers Colomiers
Vue de l'exposition Etrange nature. 1er plan: Géochronie de Cécile Beau. 2d plan: Présage, de Hicham Berrada. Photo Y Gachet Ville de Colomiers

On entre dans cette exposition comme à l'orée d'un bois au crépuscule, ce moment où les ombres s’animent d’une vie insoupçonnée. Des morceaux d’écorces aux formes étrangement anthropomorphiques, une grotte dotée d'une voix, une architecture ensevelie et colonisée d’une matière hybride... L’ exposition présente des créations à la croisée de deux mondes à la fois cousins et opposés, l’art et la nature. Car s’ils sont tous deux créateurs de formes, l’un désigne une création humaine et l’autre un monde vierge et originel. Leur rencontre et leur sang mêlé ne cessent de nous interpeller : existe-t-il une frontière qui les sépare ? Chez ces quatre artistes qui font de la nature la référence et la matière de leurs oeuvres, les ambivalences sont autant de rencontres étranges, poétiques et narratives, d’expériences de la métamorphose de la matière, de la nature en oeuvre et inversement. Le règne végétal, s’il domine, prend des tonalités minérales chez Cécile Beau, aquatiques chez Hicham Berrada et fantastiques chez Emilie Benoist et Kate Atkin...

Nature, création et métamorphose

Si la nature fut souvent un sujet pour les artistes – un modèle dans l’art grec ou un lieu pour les artistes du Land Art par exemple, elle est ici la matière des oeuvres. Pour autant, les postures ne sont pas identiques : Hicham Berrada identifie son art à une imitation des processus naturels : « C’est la morphogenèse qui m’intéresse dit-il, les règles qui déterminent les formes » (Palais de Tokyo, Magazine n°17, printemps 2013). Emilie Benoist recompose une nature hybride faite de matériaux issus du pétrole, synthèse mutante de forces opposant artefacts et création naturelle. Chez Cécile Beau et Kate Atkin, les matières sont transformées par la technique et utilisées pour leur potentiel onirique. Le sentiment d’étrangeté éprouvé face aux métamorphoses de la nature dans ces oeuvres est l’occasion de poser la question des fondements de l’art et de la transformation de la matière en oeuvre.

Art, science et science fiction

Les artistes de cette exposition portent une importance particulière à la science. La biologie est évoquée par Emilie Benoist dans son travail, dont une oeuvre porte le titre de Cellula phantastica, organe supposé accueillir l’imagination. Hicham Berrada regarde du côté des sciences physiques, empruntant directement aux méthodes scientifiques dans sa recherche de formes, quand Kate Atkin suit les chemins de la botanique dans ses collectes d’échantillons visuels à la manière d’un herbier. Cet intérêt dérive souvent vers la science-fiction et le fantastique. Kate Atkin fait ainsi de Solaris de Stanislas Lem l’un de ses livres favoris ; Cécile Beau évoque régulièrement De l’autre côté du miroir de Lewis Caroll et Hicham Berrada explique que les revues scientifiques sont aussi importantes pour lui que les magazines d’art… L’art est définitivement la science de l’imaginaire.

Kate Atkin

Diplômée en photographie du Royal College of Art (Londres), l’oeuvre de Kate Atkin est pourtant tournée vers le dessin. Son travail est le récit d’une métamorphose. Partant de repérages photographiques dont elle extrait des détails, elle réalise des esquisses en petit format qu’elle reproduit ensuite en grand. L’hyperréalisme des dessins agit comme un prisme sur les détails et les textures des matières d’origines, transformées également par les titres, énigmatiques et flottants, tels Study, Ghost (Esquisse, Fantôme). Starling (Moineau, 2012) est par exemple basé sur un motif de châtaigner à l’écorce torturée. « J’ai fait un petit dessin récemment, intitulé The Body, expliquait-elle en 2012, dont les traits viennent d’un arbre bizarre de la cour du cimetière de l’église Saint Pancras. C’est une forme organique qui suggère de manière très littérale des veines et des intestins ; et la seule chose qui l’empêche d’être directement une vision horrible est le manque de couleur. Travailler en noir et blanc arrête le décodage immédiat de l’image. » (Kate Atkin, London pleasure. Catalogue d’exposition, Trinity Contemporary, entretien avec Luce Garrigues, 2012). La démarche de Kate Atkin fait du travail de copie un moyen pour conférer à la matière une seconde nature.

Cécile Beau

Cécile Beau utilise une diversité de médias, du son au volume, reflet de son parcours artistique de l’école d’art de Tarbes au Fresnoy. Elle créé ici un environnement intitulé Géochronie. Une racine suspendue au plafond donne le ton d’un univers où elle agit sur la perte des repères, désignant d’emblée l’espace d’exposition comme appartenant à un monde souterrain. « Au plafond pendent de longues racines. D’un étroit passage au mur s’échappe un souffle sonore irrégulier. Au sol, des formes sombres évoquent de possibles météorites ayant conservé les traces d’un passé végétal. Des structures organiques semblent calcinées, transformées en matières minérales. L’ ensemble suggère un environnement souterrain étrange. Différentes temporalités sont figurées par l’évocation de fossiles, d’éléments intra et extra-terrestres, de passages vers une dimension autre. De l’autre côté du miroir ou sous la surface des choses, cette proposition place le spectateur dans un univers science fictif, décalé »3 explique l’artiste. L’oeuvre de Cécile Beau se vit comme une immersion sonore et visuelle dans un paysage qui convoque l’espace intérieur du spectateur. Des images montent, confuses, meurent, d’autres arrivent…

Emilie Benoist

Emilie Benoist élabore depuis 2011 un ensemble intitulé Ces milieux. Une série qui évoque une nature manipulée et convoque les origines et les peurs de notre civilisation. Micro-mousse (2011) et Macro-monde (2013, produite pour l’exposition de Colomiers), en font partie. Dans ces sculptures composées majoritairement de matériaux à base de pétroles - des billes de polystyrènes agglomérées et collées - l’artiste compose des univers lilliputiens par l’ajout de bribes d’éléments biologiques et de déchets qu’elle lie à des références : un dessin d’Escher, la maison d’enfance de Tarkowski dans Micro-mousse ; les romans Le monde englouti de JB Ballard et Dead cities de Mike Davies dans Macro-monde. « Il est question d’un monde fragile, instable, explique l’artiste, qui avance et recule, fait d’éléments disparates de nos sociétés et d’autres espèces qui dominent alors sans le contrôle de l’homme, où des phénomènes physiques et mentaux se développent dans une réalité qui nous dépasse. Je me projette dans des rêves aux allures de cauchemars, je constitue des «ruines à l’envers». » (notes d’intentions et propos recueillis auprès des artistes durant le montage de l’exposition)

Hicham Berrada

A la manière d’un chimiste, Hicham Berrada joue avec les protocoles scientifiques et les matériaux dans des installations qu’il vidéo-projette ensuite en grand, créant d’envoutantes chorégraphies de couleurs et de réactions chimiques. Dans ce jeu de mimétisme avec la science, la nature, le hasard et le temps deviennent les acteurs de performances où les formes apparaissent d’elles-mêmes. La vidéo Présage 02/10/2013 07h32 (2013) fait partie d’une série où il mélange des substances dans un bécher et attend que les choses se passent. « J’essaie de maîtriser des phénomènes naturels que je mobilise comme un peintre utilise ses outils et médium explique-t-il. Disons que mes pinceaux sont le chaud, le froid, le magnétisme, la lumière. »1 Loin d’être manipulateur, sa posture s’approche d’une forme de panthéisme : « Il n’y a pas de différence entre la chimie et la nature dit-il. (…) Tout est contenu dans la nature, tout est donné par elle et, en science comme en art, on ne fait rien d’autre que de réagencer ce qui existe. » (Le Quotidien de l’art n° 349, 29 mars 2013, interview avec Julie Portier)

Commissaires d'exposition

Partenaires

En collaboration avec l’Ecole Supérieure d’Art des Pyrénées, site de Tarbes – Coproductions des oeuvres de Cécile Beau.

Adresse

Pavillon Blanc Henri Molina Médiathèque | Centre d’art de Colomiers 1 place Alex Raymond 31770 Colomiers France

Comment s'y rendre

Bus Tisséo :

Ligne 21 – arrêt Lauragais – Pavillon Blanc

TAD 118 – arrêt montel

Linéo 2 - arrêt Pavillon Blanc

Lignes 150 et 32 – arrêt Pavillon Blanc

Train ligne C :

Depuis gare des Arènes Toulouse : arrêt Colomiers. Tarif Tisseo

Voiture :

N124 sortie 4, parking gratuit de 190 places, place Alex Raymond face à la Mairie

Dernière mise à jour le 4 mai 2021