Endre Tót | Demo

« C'est avec une certaine conception de la liberté qu'il faut rompre, une conception absurde qui, en identifiant la liberté à la délivrance et à la puissance qui la conditionne, sonne le glas non seulement de la liberté, mais aussi de l'habitabilité de notre planète » Aurélien Berlan – Terre et liberté, 2021.

En cette rentrée, la galerie Salle Principale entame sa huitième année d'existence, inaugurée en septembre 2014 par l'exposition de Patrick Bouchain intitulée Tambour battant. Un titre avant-coureur qui aura donné le tempo durant toutes ces années à une façon de faire et surtout à la volonté de partager avec les artistes de la galerie un regard d'ensemble porté sur notre monde et sur notre avenir commun. C'est dans cette continuité que nous entamons une nouvelle année qui ne saurait se poursuivre sans prendre en compte les récents évènements qui depuis janvier 2020 ont à jamais bouleversé nos vies. Ainsi s'amorce une nouvelle ère dont nous avions la certitude de son inéluctable avènement mais que nous ne pouvions situer dans le temps. Maintenant que nous sommes réellement fixés sur le niveau de l'urgence, la nécessité d'adaptation oblige plus que jamais à la critique afin de ne pas reproduire inlassablement les mêmes erreurs que le confort de notre société industrielle a réussi à ériger en préceptes indépassables.

L'adaptation aux contraintes imposées par un régime politique aura été la règle de l'artiste Endre Tót qui à sa manière nous démontre que la restriction peut aussi être la source d'une force créatrice, de celle qui fait tant défaut à notre société sans imaginaire et sans vision. Endre Tót avec la force de la dérision et de l'humour impose par des gestes simples son inébranlable détermination à ne pas s'en laisser conter. L'artiste démuni et sans soutien réussit à trouver son autonomie en cultivant un optimisme, parfois de façade, capable de surmonter les situations les plus oppressantes comme celles du régime répressif de la Hongrie des années 70. La négation de l'individu par la dictature amène l'artiste à s'emparer du chiffre zéro comme symbole des gens qui ne sont rien tout en dénonçant le système scélérat qui le contraint mais qui in fine lui insuffle ses œuvres les plus pertinentes.

Tót dans un jeu malicieux et provocateur parvient avec brio à braver les interdits comme ceux de manifester ou d'exprimer une opinion avec un symbole sans valeur, de celui qui ne semble rien dire. C'est la même ironie grinçante et poétique qui anime les Nowhere de l'artiste soulignant ainsi le vide d'une société reléguant l'individu au rôle de pion au service de son idéologie totalitaire.

Espérons que le travail de Tót en ce mois de septembre, réputé pour ses traditionnelles rentrées sociales tendues et mouvementées, puisse inspirer une attitude à contre courant, de celle qui, inattendue, parvient à surprendre et à finalement faire bouger les lignes. Une des raisons qui a assurément motivé la galerie à présenter le travail d'Endre Tót sur son stand durant la très prochaine foire Paris + par Art Basel...

Dominique Mathieu – août 2022