This is THE END
Vue générale de l'exposition : au premier plan Vincent Mauger, Sans titre, 2012.
Voilà c’est fini ! Après quatre décennies de bons et loyaux services Le Parvis, cet anti white cube né dans la
fièvre des années 70 et implanté dans un supermarché, s’apprête à disparaître pour renaître de ses cendres un
peu plus loin, un peu plus tard selon de nouvelles dispositions. Dans l’attente de la réouverture (novembre 2013)
c’est une période de pleine mutation qui attend le centre d’art, avec notamment l’ouverture prochaine du
chantier de démolition du lieu.
This is the end !, dont le titre annonce bien ce qu’il est censé représenter, est donc la toute dernière exposition
du Parvis dans ses murs. Elle réunit 5 artistes autour de la future disparition du lieu.
Si la figure du chantier est une source d’inspiration pour l’exposition et un inépuisable répertoire de formes,
de techniques et de matériaux pour les artistes, c’est avant tout la confrontation des oeuvres à l’espace , au
contexte de sa disparition et à l’apparition de sa mémoire cachée qui guide le projet. Ainsi, plutôt que de
réagir à une situation donnée, les artistes vont apporter encore plus de sens au lieu ou, comme le dirait Jean-
Marc Huitorel, apporter du contexte au contexte. Ici donc, en marge de la question du chantier, les artistes
vont s’attacher à révéler les fêlures et les forces du lieu, sa mémoire et ses ambivalences entre destruction et
construction, entre vie et mort. Toutes les oeuvres de l’exposition seront créées in situ. Elles fusionneront si bien
avec l’espace et son futur qu’elles disparaîtront également au moment où le centre d’art sera détruit. Ainsi, la
réalité de l’oeuvre n’adviendra qu’à l’instant de sa propre destruction.
On raconte qu’il y a quelques années, un ministre de la culture satisfait de sa visite au Parvis a apposé sa
signature sur un des murs du centre d’art. Soucieux de conserver l’illustre griffe, le directeur de l’époque aurait
alors décidé de la protéger en l’escamotant derrière une cimaise factice. Les oeuvres de John Cornu instaurent
une relation forte avec l’espace qui les informe. Elles interagissent avec leurs alentours et affichent outre
un mélange complexe de romantisme et de modernisme, avec tout ce que cela comporte de ruine et de
destruction, une relation instable avec la réalité et la fiction. Inspiré par cette anecdote légendaire, John Cornu
propose une mise au jour de ce supposé paraphe, mais soumet sa participation à l’exposition à la seule réalité
du graffiti.
La présence fantôme de cet épitaphe évoque également le travail de Guillaume Constantin pour qui la fin
physique du lieu rappelle les « Everyday ghosts », cette série d’images qu’il a commencée en 2008 et qui se
concentre sur des situations imperceptibles du quotidien qu’il fige par la photographie ou par une mise en vue
détachée du contexte originel. Ainsi, en dévoilant les espaces cachés du centre d’art, l’artiste entend manipuler
la mémoire en péril du lieu.
Des oeuvres vont littéralement incarner le contexte qui les a produites. L’abandon et l’oubli, la réaffectation, le
démantèlement et la mutation, bref l’évocation de la très prochaine destruction du centre d’art sont autant de
matières à créer. Simon Boudvin s’intéresse essentiellement aux restaurations, reconversions, mutations et autres
anomalies architecturales. L’artiste met en lumière l’envers du décor et révèle la part cachée des choses. Ses
oeuvres sont des constructions singulières qui revendiquent une esthétique de la ruine, à l’image de Rebuilt,
2008, une cimaise construite, démolie puis reconstruite avec Vincent Ganivet, à son emplacement original.
Pour l’exposition, Simon Boudvin s’est passionné pour les archives photos du Parvis qui témoignent de la vie artistique
foisonnante du lieu depuis les années 70. Gageons que l’artiste saura ouvrir une faille spatio-temporelle
dans le centre d’art en remettant au goût du jour les inventions et muséographies d’une autre époque.
Quant à Vincent Mauger, on le sait amateur de matériaux de construction ordinaires (brique, bois, papier) et
de formes organiques monumentales. L’artiste qui cherche à rapprocher ou mettre en avant des similitudes
entre les systèmes vivants et ceux de construction, crée des oeuvres extrêmement séduisantes.
Néanmoins, selon le critique d’art Gaël Charbau, ses pièces parlent avant tout de l’absence de lois et de
règles manifestant ainsi une volonté farouche d’échapper à toute tentative de représentation. Au Parvis, alors
qu’il utilise une multitude d’étagères et de cornières métalliques type rack de supermarché pour créer un
volume graphique très impressionnant, l’implication physique de l’artiste et la nécessité qu’il ressent à y projeter
son corps sont telles qu’elles ramènent sa pièce à une pure tradition de la sculpture.
Avec cette dernière exposition This is the end ! Le Parvis est donc livré à l’imagination des artistes qui vont inventer,
découvrir, démonter, reconstruire et détruire le centre d’art jusqu’à ce que mort s’en suive !