Emmanuel Van der Meulen : Figures, fétiches

Exposition
Arts plastiques
Galerie Alain Coulange Paris 03

Emmanuel Van der Meulen, Anywhere (Kupka), 2011. Collage sur papier. 13,7 x 17,2 cm. Courtesy de l’artiste

Pour concevoir son exposition au Château d’eau de Toulouse en 2013, Emmanuel Van der Meulen avait, selon une formule de Philippe Dagen,
« laissé l’architecture lui conseiller ses formats. » (1) Le choix des pièces pour « Figures, fétiches » relève d’une semblable intuition. Les dimensions et l’accrochage sont adaptés, pour ainsi dire ajustés, aux espaces disponibles.

Avec constance, « le désir d’accentuer [la] confrontation avec le tableau » règle le dispositif d’agencement (2). Le cheminement du peintre vers son tableau peut nous inspirer une perspective de lecture : « aller au-delà de la reconnaissance de ce qu’il y a à voir sur le tableau » pour « en venir à l’expérience du tableau proprement dit ».

Au cours de sa gestation, le tableau proprement dit s’allège : « il y a une nécessité vitale à proposer des espaces qui ne soient pas des espaces chargés d’intentions, d’événement, de faits de langage, mais qui soient plutôt des espaces vides ou des espaces vacants. » Cette manière d’envisager a contrario la constitution du tableau fait apparaître sa raison d’être et sa finalité : « Si les événements plastiques dans les tableaux sont marginalisés au sens propre, c’est-à-dire rejetés sur les marges, c’est bien pour signaler que cette vacance est le sujet du tableau. »

La vacance est un état et même une qualité. Le peintre Chang Shih (1844-1927) l’explicite par ces mots : « Sur le papier de trois pied carrés, la partie (visiblement) peinte n’en occupe que le tiers. Sur le reste du papier, il semble qu’il n’y ait point d’images ; et pourtant, les images y ont une éminente existence. Ainsi, le Vide n’est pas le rien. Le Vide est tableau. ». La transitivité confère au mot « vide » sa valeur : le vide désigne — manifeste hors de lui-même — quelque chose qui, sans lui, serait resté sinon caché, du moins invisible.

Sous ce jour, les « Figures » que mentionne le titre de l’exposition peuvent, dans le rapport qu’elles entretiennent avec l’absence, s’éprouver. « Au sein de leur absence, les œuvres sont en perpétuelle dissolution et en perpétuel mouvement, n’étant chacune qu’un repère du temps, un moment du tout, moment qui cependant voudrait, et désespérément, être à lui seul ce tout en quoi seulement l’absence se repose sans repos. » (Maurice Blanchot, Le Musée, l’Art et le Temps).

Le deuxième terme de la proposition, « Fétiches », ne désigne probablement pas un report de l’affectivité sur un objet unique, mais quelque chose comme, dans l’acception lacanienne, un substitut de ce qui n’est pas vu. Telles des traces primitives, les « figures-fétiches » offrent à déchiffrer leur présence raffinée, entre l’éclat de leur apparition et leur effacement progressif dans le retrait.

L’exposition permet également de découvrir un aspect peu connu, sinon inédit, de l’œuvre d’Emmanuel Van der Meulen : un travail de recontextualisation d’images que l’on nomme habituellement « collage ». Par découpes et juxtapositions, des fragments de l’histoire (de l’art et d’autres horizons) se sont invités dans l’univers du peintre comme autant de contrepoints, d’écarts, de songes peut-être, qui entrelacent la pensée du tableau et la prolonge. Aux originaux se substitue une projection d’images, manière de décaler cette pratique comme « variante », en conformité avec l’étymologie : « chose identique à une autre mais présentée sous une autre forme ».

(1) Le Monde, vendredi 24 mai 2013
(2) Les propos d’Emmanuel Van der Meulen sont extraits d’un Entretien avec Eric de Chassey du 30 septembre 2008. In catalogue « Enter - Eller », Lineart, Galerie Jean Fournier, 2009

Complément d'information

Une rencontre entre Emmanuel Van der Meulen et Guitemie Maldonado aura lieu à la galerie le samedi 14 juin 2014, à 18 h.

Guitemie Maldonado, née en 1971, ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, est agrégée de lettres modernes et docteur en histoire de l’art. Sa thèse, publiée en 2006 aux éditions du CTHS sous le titre Le Cercle et l’amibe: le biomorphisme dans l’art des années 1930, offre un panorama de l’art de l’entre-deux-guerres en Europe et aux Etats-Unis. Elle a publié avec Isabelle Ewig l’ouvrage Lire l’art contemporain (Larousse, 2005). Elle est maîtresse de conférences en histoire de l’art contemporain à l’université de Paris IV et professeure à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Guitemie Maldonado collabore régulièrement aux Cahiers du MNAM, Artforum, L’Oeil, et anime l’émission Peinture fraîche sur France Culture. Elle a rédigé des textes de catalogue (Bernard Piffaretti, Djamel Tatah) et des articles dans Parachute, Roven ou 20/27 (Adel Abdessemed, Rémy Hysbergue). [Sources AICA-France et Ensba Paris]

Autres artistes présentés

Emmanuel Van der Meulen est né en 1972 à Paris. Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2001, associé au BlueOrange Support Prize en 2006 par Gabriel Orozco, il a été pensionnaire de l’Académie de France à Rome / Villa Médicis en 2012-2013. Expositions récentes (sélection) : Spaceland (Fotokino, Marseille, 2013), Festival international d'art de Toulouse (Château d'Eau, 2013),Teatro #3 (Villa Médicis, Rome, 2012), Giorno Uno (Galleria Bianca, Palerme, 2012), Filiations (Espace de l’art concret,Mouans-Sartoux, 2012), La peinture mode d'emploi (19 CRAC, Montbeliard, 2012), C'était question de dire (Standard, Rennes, 2011), Papapa (Arko, Nevers, 2011), Chronochromie (Galerie Jean Fournier, Paris, 2011), La pesanteur et la grâce (Collège des Bernardins, Paris, 2010). Il a été le commissaire de l’exposition Buongiorno Blinky (Cantieri Culturali alla Zisa, Palerme, 2013).

Horaires

Jeudi, vendredi, samedi, de 14 h à 19 h

Adresse

Galerie Alain Coulange 44 rue de Montmorency 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Métro : Arts-et-Métiers et Rambuteau
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022