Emilie Pitoiset, L'ordinaire de la multitude
Une seule erreur, 2009 (détail)
Avec une prédilection particulière pour les équilibres fragiles, les défigurations, les postures et les mouvements anti-naturels, Emilie Pitoiset reconstitue et invente des situations empreintes de cruauté, face auxquelles de simples réactions de compassion ou de scandale ne semblent pas suffire. Son travail exprime une corporalité contrainte, proche de celle de la danse, de la chorégraphie et du dressage. La narrativité des œuvres oscille entre le document et la pure invention, ce qui renvoie le visiteur à ses propres facultés de perception - elles aussi limitées par des contraintes accablantes, notamment le besoin de discerner à tout prix la vérité de l'illusion - en créant des points de fiction au moment même où le doute trouble sa vision. Alors que la littéralité quelque peu embarrassante de la présentation bloque l'élément potentiellement violent et émotionnel des pièces (par choc, par banalité), des doutes concernant leur vérité, non moins troublants, prennent alors place. On y découvre une beauté anti-tragique, angoissante et sans véritable volonté de but. Se font ainsi deviner, par confrontation, par frisson, et sans aucun élément cathartique, les éléments de la construction affective de nos réels. (Marc Clément)