Elli Chrysidou

Requiem pour Johnny Rouk
Exposition
Arts plastiques
Galerie Depardieu - 06300 Nice
Petites notes à propos du Grand Écorché Vif d'Elli Chrysidou. « Si j'ai accepté la mission d'amitié et de nostalgie que constitue l'écriture d'un texte pour Elli Chrysidou, c'est pour elle et parce que je suis fasciné par le flamboiement macabre de ses œuvres récentes, ce qu'elles ont de baroque jubilatoire, tant elles sont diverses, exubérantes, fluctuantes, inattendues, hypnotiques... En fait, elles ne sont pas seulement baroques. Elles mêlent et éclaboussent de sens tous les genres artistiques jusqu'à l'outrance. Les arts ne sont pas que ressassement mais une constante folle de neurones empanachées de dendrites, d'hémoglobine écarlate et d'ivresse jubilatoire ! Ainsi va l'humanité ! Elli sait depuis longtemps qu'il n'y a peut-être pas d'œuvres d'importance sans outrance, sans blasphème, sans jubilation morbide ! Paradoxe d'une humanité simultanément pensante et empêtrée en ses propres songes dont la folie est toujours l'essentielle prophétie d'un je ne sais quoi ! Le Grand Écorché vif d'Elli Chrysidou n'est-il pas, par essence, la figure de l'outrance ruisselante d'hémoglobine en sa pelisse d'écorché vif ? C'est probable. Mais n'est-ce pas constamment au plus profond du silence tout là-haut sous les voûtes occipitales que s'installe l'ordinaire charivari et les charniers de la démence perpétuelle ? Ce grand Écorché est l'emblématique figure de l'Humanité Éternelle toujours plus stigmatisée par les abondances d'hématidrose (1) qui maculent les suaires. Oui, que serait l'Art avec un A majuscule si nous parvenions à décrypter l'entier de tant de mystères, qu'ils soient de languide nostalgie ou de tant de charades apocryphes ? L'humanité entière serait si profondément ennuyeuse sans la perpétuelle cavale des songes toujours plus échevelés et emberlificotés en leur constante chevauchée ver un là-bas, inaccessible à jamais ! Qu'ils soient baroques, classiques, naïfs ou tout simplement d'exubérante volupté, les artistes tels qu'Élli Chrysidou lacèrent à grand coup d'ongles toujours plus cruels d'indélébiles incunables sur les parchemins de nos cervelles, et gravent sans cesse diastoles/systoles (2), l'histoire d'une fin d'un siècle moribond, empourpré d'hémoglobine et éperdu de lui même. Putain de mort ! Parmi toutes les photographies qu'Elli m'a envoyées, c'est évidemment l'imposante et fascinante figure de son Grand Écorché Vif sous sa pèlerine en lambeaux qui accapare mes yeux écarquillés. Pour seulement se distraire une fois encore avant qu'advienne le pire, dont on dit pourtant qu'il serait la suprême délivrance. Mais de quoi, sinon de nous-même ? Je n'ai d'abord perçu en cette œuvre que rituel macabre ou banale dialectique de la vie et de la mort. Putain de mort qui « tic tac » sans le moindre répit! On dit que c'est parce qu'elle est si ancienne qu'elle ne parle plus que des langues mortes, latin, grec ancien ou yiddish t tant d'idiomes embrouillés au tréfonds de la cervelle. Tout n'est peut-être que radotages, borborygmes, ratures, contre-sens, délires. Je radote au hasard des mots mais rien n'est plus cruel que de songer au supplice de l'Écorché sous cette chasuble de peau. Oui, je pense au bourreau chinois, je pense aussi à Élisabeth Bàthory (3), là-bas, dans sa geôle des Carpates, prisonnière à jamais de son miroir. Y a-t-il plus lacérante cruauté que celle de ce Grand Écorché Vif ? Les fêtes macabres seront à tout jamais infiniment plus captivantes que les distractions qui n'effleurent que d'éphémères illusions. Bien sur, si j'en avais l'aptitude et le temps, je te parlerais encore et encore de ton Grand Écorché. Mais je préférerais de toute évidence que ce soit toi qui m'en révèle les mystères. Le rite de l'écorché vif n'est-il pas la plus cruelle de toutes les damnations ? Éjaculations des pendus de Monfaucon... Et puis tant d'autres ont vénéré la figure de l'Écorché et les mandragores renaissantes au pied du gibet de Monfaucon ruisselant de foutre et de « voie lactée ». Ce qui me fascine dans cette œuvre, c'est qu'elle est aussi plurielle que n'importe quelle existence sur les chemins sans retour. Le Bien et le Mal ne sont-ils pas éternellement d'une même dialectique ? L'existence serait-elle le pire des enfers et la mort à tout jamais sereine ? Saurions-nous seulement que nous existons sans la peur qui nous prouve que nous sommes encore vivants ? Jacques Bonneval historien de l'art (1) Suintement sanguin (2) Contraction/expansion du muscle cardiaque (3) dite « la comtesse sanglante », emprisonnée à vie en 1610 en son château de Trencsény, aujourd'hui en Slovaquie et dont Valentine Penrose conta la vie de meurtrière sadique (Gallimard-L'imaginaire).

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Oui

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Galerie Depardieu - 06300 6, rue du docteur Jacques Guidoni 06000 Nice France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020