Divinités, fleurs, plis et replis
Bliss
Il ne se passe probablement rien, sinon une certaine quiétude qui s’est installée dans les
abîmes du quotidien. Alice, Arthur, Camille, Jade, Léa, Sosthène et Thomas se rejoignent dans
des espaces clos scellés par une certaine mélancolie. Des pivoines se dessinent par empreinte et
collage. Des fruits et une canette s’observent à travers un sac plastique ou la poche d’un
vêtement. Le corps s’est absenté d’une chemise ou d’un pantalon froissés qui ont été répliqués et
leur surface figée. Les visages ont disparu du champ, dissimulés dans des mains ou tournés vers
l’extérieur. La luminosité de l’écran de l’ordinateur s’humidifie au contact du plexiglas. Une main
virtuelle effleure des interfaces. Des figures apparaissent et se dédoublent. Peu importe sa
linéarité, le temps a été renversé et le réel dans ce qu’il renferme de plus anecdotique s’est
rempli de souvenirs, là où il avait tendance à s’effacer dans le rythme de la vie.
C’est ce flottement des habitudes qui recouvre un sentiment d’irréalité enfouie comme
une tension surnaturelle qui affleure dans les récits. Lorsque les motifs du concret s’évaporent et
se fondent doucement dans la fiction, ils rehaussent l’attention portée au ressenti plutôt qu’au
signe matériel. C’est une sorte de « real-fiction » obsessionnelle de J.G. Ballard : « Ma sciencefiction,
puisqu’il faut bien l’appeler comme ça, est plus une real-fiction, comme on parle de realpolitik
: elle appréhende le réel comme une myriade de réalités floues ; elle tente de tracer les
contours d’un monde contemporain, que beaucoup tendent à placer dans le futur, proche ou
non» (*). En somme, une fiction du quotidien dont la patine d’étrangeté a fini par refléter une
dimension narrative.
Le désenchantement s’il est fondateur nous emmène dans l’adolescence pas si lointaine,
où les contres mondes s’apparentent à l’habitacle d’une fraiche nostalgie. Ce décollement du réel
s’induit à travers des motifs picturaux relevant moins d’un acte de peindre d’après nature que
d’après images. Leurs formes figuratives et apathiques semblent se lier à l’absorption des écrans,
effleurés du bout des doigts. Comme on découperait des images adorées pour les mettre au mur
de sa chambre sans en comprendre la signification réelle, ici la scénarisation participe à la
construction de soi, là encore une question de surface, où partout s’immisce une attitude de repli
dans lequel fuir, se blottir.
Fiona Vilmer
(*) Entretien avec J.G. Ballard par Jérôme Schmidt, dans Jérôme Schmidt et Émilie Notéris (dir.), J.G.
Ballard, haute altitudes, Alfortville, Éditions è®e, 2008, p.19.
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Artistes
Partenaires
Exposition réalisée avec le soutien de la Région Normandie dans le cadre du plan de relance
Horaires
Du mercredi au dimanche de 14h00 à 18h00