Didier Boussarie

Un temps, Didier Boussarie était amoureux d’un ours. Un splendide ours blanc en captivité. Tendre contemplateur et attentionné, il a fait exister un ensemble d’œuvres d’une grâce rare. La puissance des jeux solitaires et la douce folie de l’immense animal dans son bien trop petit bassin cultivaient des sentiments contradictoires chez le regardeur ; enfant heureux et adulte gêné.

Vivre près du fleuve était un rêve qui s’est exaucé : Didier Boussarie possède désormais un atelier dans le Loiret. C’est ainsi que l’esprit de l’eau commence à le visiter. Au début, il lui souffle les paysages de la Loire, de cette eau faussement tranquille et de ce qui s’y amuse sur ses rives. D’abord, le jour bleu, le soir vert, la nuit noire ; dernièrement des heures en des variations de jaune et de rouge. La couleur est comme jamais à l’œuvre et les compositions – comme il va de l’eau – s’épanouissent désormais sur toute la surface… Très vite les plantes - iris et berces – envahissent les berges et l’une d’elles dessine des ombres sur un visage… Un visage de femme parmi les arbres qui longent le fleuve.

Et la nymphe s’installe. Elle se promène, esquisse des pas de danse, se déshabille, se baigne cependant que le paysage change sa couleur. Elle porte des robes à fleurs, et ce motif devient fond et papier peint quand la femme s’expose en culotte à petits pois, jambes nues, seulement couverte d’une veste à la capuche de fourrure. Elle tourne le dos au peintre. Dans un deuxième portrait, elle se dresse face à lui, chaussée de bottes de caoutchouc pour affronter l’humidité du paysage bleu qui est en fait une toile debout à l’atelier. Une image dans une image. Du paysage réel à la scénographie. Didier Boussarie ouvre une porte sur une nature théâtralisée de sorte que la vision intérieure, le fantasme, puissent se déployer. C’est précisément sur le seuil de cette porte – à l’endroit où se jouxtent et s’emmêlent plusieurs mondes – que se situe Si le fleuve sous tes paupières.

Une barque domine la composition d’une grande peinture. La palette est chaude et sensuelle : roses, rouges, oranges et bleus évoluent sur un miroir d’eau rythmé de traits noirs. On songe inévitablement aux canoës de Peter Doig mais il ne s’agit pas du même voyage. La barque est vide, sans personne. Elle n’est en fait que le véhicule vers ces destinations hors du temps, où nous transportent le désir, l’érotique et la communion avec la nature.

Didier Boussarie embarque muni de son carnet de dessin. Il y saisit les terres aperçues, des flamants bien roses – touchants et légèrement ridicules – sur leurs jambes interminables et des intimités qui sont encore des portes.

Si ceci sonne comme un conte, c’est très bien. En enchanteur discret mais espiègle, Didier Boussarie sait montrer – une fois encore – sa capacité à rendre perceptible une fascination toujours renouvelée pour les subtilités du monde, pour ce qui y est offert, pour ce qui peut s’y rêver et ainsi s’y vivre.