Derrière la grille

Delphine Dewachter n’a pas choisi la couleur de ses broderies par hasard ; le rouge joue un rôle essentiel, tant sur le plan optique que symbolique. De par sa couleur, la grille attire immédiatement le regard vers elle et amène une sensation de proximité. La présence de la broderie est paradoxale : d’un côté, sa couleur nous attire irrémédiablement, l’on se sent comme pris à témoin ; d’un autre, elle joue un rôle de mise à distance, par le caractère grillagé qu’elle revêt.

Le rouge éveille le spectateur et attire son attention vers la photo qui se trouve sous la grille. Il marque une frontière entre notre regard et l’image se trouvant derrière la broderie, donnant ainsi la sensation au regardeur de devenir voyeur. Ces grilles ornementales maintiennent une distance tout en donnant envie au spectateur de regarder plus loin derrière. L’artiste ne cherche pas à camoufler les photos de presse mais à guider notre regard, animer notre curiosité.

Le rouge est également, par son côté symbolique, la couleur du sang, de l’agressivité, du combat. D’où cet accord parfait avec les photographies, venant ainsi renforcer la violence des images.

« Delphine Dewachter éveille l’imagination du spectateur en lui proposant un travail qu’elle qualifie de « tissu d’histoires ». Certaines des photographies choisies nous plongent directement dans l’intimité d’enfants, de femmes et d’hommes victimes de la guerre. La grille rouge brodée par-dessus ne fait que renforcer le caractère anonyme et secret qui les enveloppe.

Ce qui intéresse avant tout l’artiste c’est de poser un filtre, une grille sur un évènement ou une histoire difficile. Pour elle, la mise à distance par une partielle occultation permet de se protéger. […] Mais cette dissimulation incomplète n’est autre qu’une invitation à porter un autre regard, grâce à l’Art, sur ce que l’on nous offre à voir ou plus simplement sur ce qui nous entoure. »
La citation est un extrait du texte de Marine Laplaud.