Continuous Improvement

Exposition
Galerie Eva Meyer - 75003 Paris 03



CONTINUOUS IMPROVEMENT
Exposition personnelle de Juliette Goiffon & Charles Beauté


L'exposition « Continuous Improvement » montre ce à quoi pourrait donner naissance cette logique de développement intensif de soi dans un futur proche. Basée sur le rapport au corps, Continuous Improvement » prend ainsi la forme d'un environnement à mi-chemin entre l'espace de travail collectif et la salle de sport individuelle. Au mur, des miroirs colorés sont gravés de slogans positifs : « Today, you are you. There is no one alive who is you-er than you », lit-on. Ou encore : « One small step can change your life ». Ces messages placidement tautologiques se détachent sur fond d'informations chiffrées et de motifs géométriques. En s'éloignant, on se rend compte que ceux-ci constituent des visages primitifs, les mêmes que l'on retrouve plus loin sous forme de masques de laiton, ainsi que gravés sur les tapis sous nos pieds.

Ces visages qui nous fixent, yeux et bouche béants, sont réduits aux fondamentaux - ceux qui, à partir d'un minimum de référents, nous font spontanément reconnaître une forme humaine. Frappés de lettres et de chiffres à certains endroits, fragmentés en parties distinctes, ils dotent la rentabilisation à outrance d'une apparence. Pour réaliser les masques, le duo s'est basé sur des dessins brevets de liftings et d'électrostimulateurs accessibles via le moteur de recherche Google Patent Search. Tels des effigies de dieux primitifs, ces faciès augmentés témoignent d'une nouvelle religion, plus monothéiste que jamais, puisque c'est dès lors à soi-même que s'adresse le culte : ce culte, pour reprendre le terme du philosophe Boris Groys, est celui de l' « autodesign ». Or précisément, ce nouvel avatar de l'ultra-libéralisme trouverait notamment sa préfiguration dans l'artiste et ses manières de produire, représentant une frange expérimentale du néolibéralisme, à la fois victime et exemplification de ses dérives. C'était notamment la thèse de Luc Boltanski et d'Eve Chiapello dans leur séminal ouvrage « Le Nouvel Esprit du Capitalisme » (1999), reprise et augmentée par Pierre-Michel Menger dans « Portrait de l'artiste en travailleur » (2003).

Pour Juliette Goiffon et Charles Beauté, la réflexion sur le travailleur du futur ne s'incarne pas uniquement dans des représentations : elle s'invente à mesure qu'elle se construit, à même la matière. En témoigne la volonté d'avoir recours à la gravure directe, pour laquelle il leur a fallu mettre au point une technique nouvelle et construire une machine. Par ce procédé, rien n'est imprimé, rien ne s'ajoute par superposition, rien n'est extérieur à la matière-corps. Les schémas et les encouragements affleurent à même la membrane sensible, faisant résonner la proximité sémantique de « design » et « dessin » : à même la peau, chacun porte le mapping de son propre avenir radieux.

Extrait de "Continuous Improvement" Ingrid Luquet-Gad, Février 2016

Adresse

Galerie Eva Meyer - 75003 5, rue des Haudriettes 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022