Complément d'objet

Exposition
Arts plastiques
Frac Bretagne, Fonds régional d'art contemporain Rennes
Pour cette nouvelle collaboration avec le Frac Bretagne, le Musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc accueille une exposition composée de photographies, peintures, vidéos, dessins… ayant en commun l’usage de l’objet sous toutes ses formes. Qu’il soit considéré en son entier ou fragmenté, l’objet traité par les différents artistes devient un véritable enjeu de la représentation et donc, œuvre d’art à part entière. Dans l’entrée, le mobilier n’est pas traité de manière uniquement fonctionnelle. Designer reconnu, Ronan Bouroullec crée des éléments à usages divers. La pièce Porte-manteau / vide poche résume ses intentions : simplicité, possibilité de compositions multiples, présence indubitable. Travaillant sur la notion de géographie urbaine, Andrea Blum, par le biais d’une bibliothèque mobile, fait le lien entre la vie et l’art, entre espace public et privé, apparence et fonctionnement. A l’origine d’une véritable entreprise artistique, N.E.Thing Co, Iain Baxter étend les frontières de l’art à des domaines très variés. Ici, différents objets (badges, boîte d’allumettes, imprimés…) présentés dans une vitrine, à côté d’objets issus des collections du Musée, témoignent tous que l’art est partout, comme il est inscrit sur l’un des badges. Les objets de Lynne Cohen, photographiés en noir et blanc, ont la portée ironique de ceux présents dans les espaces publics ou semi-publics, si éloignés de toute idée de chaleur humaine. Objets que l’on ne peut que détourner en imagination pour mieux vivre. Au centre de la grande salle, Le tapis moulage de Michel Aubry, de par ses qualités spatiales, amorce les différentes modalités de pleins et de vides communes aux autres œuvres lui faisant face. Passionné de musique traditionnelle sarde et collectionneur de tapis, l’artiste allie une retranscription d’accords musicaux à des qualités symboliques, sous forme d’abstraction géométrique. Dénonciation de duplicité pour Tania Mouraud qui, à travers la symbolique colorée de distinctions militaires, joue des deux sens du mot Décorations et crée une œuvre à la fois conceptuelle et didactique. L’échelle de représentation utilisée rend ces distinctions encore plus vaines. Pierre Buraglio, décline des variations sur le thème de la fenêtre, métaphore de la peinture depuis la Renaissance, où la matérialité du support devait s'effacer face aux illusions de la représentation. Par son choix de matériaux de récupération, l'espace où se répondent lumière et ombre révèle son irrémédiable fragilité. Avec James Hyde, les termes de « peinture », « couleur », « socle » ou « cadre » ne correspondent plus aux définitions classiques mais chacune de ses pièces renvoie indubitablement à l’idée de peinture. Ainsi de Swing, œuvre constituée de sangles en nylon, destinée à être accrochée au mur. Entrelacs inextricable utilisé pour lier du vide, objet d’usage courant, sorte de mobile inerte. Olivier Tourenc a imaginé de renverser une armoire en bois pour en faire un bateau, dûment homologué par les Affaires Maritimes. Il s’agit à la fois d’un meuble, d’une embarcation et d’une œuvre d'art. Le problème d'équivalence devient celui d'une conversion perpétuelle entre le champ utilitaire, artistique et nautique sans que l'un d'eux ne devienne prééminent. Il ne s'agit plus de l'art en tant que tel mais de l'usage d'une œuvre, de sa circulation et de son exploitation. D’une autre manière, et à l’aide d’un autre matériau, Iain Baxter, avec Vacuumform Works stillife reconstitue une nature morte des temps modernes. Il s’agit du moulage de quatre bouteilles de plastique se chevauchant pour donner l’impression d’une plus ou moins grande opacité, de vide et de remplissage. Patrick Tosani inclut dans la glace des architectures de papier journal, qui transparaissent sur un fond bleu artificiel. Le Temple est ainsi suspendu, pris dans une matière fragile, dans une logique de précarité et de passage du temps. Etienne Bossut aime réaliser des moulages d'objets quotidiens, produits en série. Il emploie le polyester, coloré dans la masse. Le moulage obtenu rend visible tous les détails de fabrication, éliminant d’emblée toute tentative de leurre. Le vertige nous saisit devant l’accumulation Des Gamelles alliant duplication et duplicité. Face à cette installation, en utilisant le carton pour reproduire un certain type d’objets, Sylvie Réno fait preuve d’une ironie implacable et dénonce notre société de consommation. Le bagage, vanity-case représenté avec minutie et entouré des chutes consécutives à sa réalisation, devient une véritable Vanité disant l’inanité de toute possession. À travers un ensemble de photographies intitulé Rhum, Hervé Le Nost rend hommage à Blaise Cendrars et à son ami Jean Galmot, assassiné en Guyane par les colons pour ses positions en faveur des minorités. Jouant du contenant subtilement coloré, il parvient à donner une dimension symbolique à une œuvre basée sur l’harmonie. Jean-Philippe Lemée a mis au point une méthode dont l’un des traits remarquables est l’éventuelle intervention d’une tierce personne extérieure au monde de l’art. Légèreté et Objets, avec chemin de lecture n’échappent pas à cette recette. Conçus sur une durée très courte, ces croquis ont été retravaillés par l’artiste qui leur donne le statut d’œuvre d’art : l’affirmation d’une nouvelle conception de l’artiste et de l’œuvre. L'interrogation du temps et ses manifestations sont palpables à travers le dialogue instauré entre les différents éléments de 22 Paintings, ensemble de bâtons mélangeurs de peinture, trace aléatoire d’un geste oublié. Cette œuvre est issue des matériaux et souvenirs engrangés puis sélectionnés par Hreinn Friðfinnsson. Ian Wallace réconcilie deux médiums en insérant des images photographiques entre de larges bandes de couleur uniforme. In the Studio est emblématique d’une réflexion qui confronte les lieux de l’art que sont l’atelier (privé) et le musée (public) au monde de la rue, public également. La question de l’atelier deviendra ensuite le motif récurrent d’un certain nombre de séries. Bernard Voïta élabore une image à partir d’un minutieux dispositif d’éléments qu’il photographie, semant le trouble et les illusions. Il travaille avec des matériaux de récupération, joue de la perspective, de l’échelle et des ombres pour obtenir des images totalement identifiables. Caméra est une photographie obtenue avec les mêmes procédés de manipulation qui représente un appareil photo de marque inconnue, et pour cause. Boîtier, soufflet, objectif sont une construction réalisée à partir de différents matériaux récupérés. Erika Vogt photographie un dispositif permettant de montrer toutes les faces de plusieurs dés en une seule image. En montrant la totalité d'un objet et toutes les manières possibles de le voir en une seule fois, il échappe au temps comme à l'espace. Cube III est un autoportrait dans l’atelier de Georg Herold. Le grand format (une pose à l’échelle un), la tenue classique et soignée, contredisent la construction en bois d’une apparente pauvreté. À y regarder de près, le cube n’est pas une simple construction, mais une imbrication de segments pour une illusion d’optique. Raymond Hains se balade allègrement entre les objets, les images et les mots avec lesquels il ne cesse de jouer. Les analogies verbales, les calembours, les associations sont souvent à l’origine de ses œuvres qui rebondissent selon une logique ironique et cocasse. Le Triptyque des parasols appartient à une série de photographies liée à des souvenirs d’enfance. À l’entresol, deux vidéos sont présentées au public. Samuel Buckman a tourné Europe quality à Dunkerque. Sur un trottoir, un cageot portant l'inscription "Europe Quality" se soulève sous l’effet de la bouche d'aération d'une supérette. Les dessins de fruits sur la cagette semblent s'efforcer de demeurer en lévitation. La portion de trottoir devient un lieu de solitude extrême où un objet se débat absurdement. Image ironique d'une certaine conception de l'Europe, renforcée quand l'artiste présente cette vidéo accompagnée d'une double page du journal Libération évoquant le non au référendum sur la constitution européenne. Provisory Object 01 est une vidéo d’Edith Dekyndt montrant l’évolution d’une bulle de savon entre les doigts de l’artiste. La vidéo dure le temps allant de l’irisation à l’éclatement, se concentre sur le mouvement et l’évolution des couleurs animées par un léger souffle. L'œuvre traite de l'acte esthétique. Sa recherche autour des phénomènes est la quête d'une vérité qui existe dans l'invisible ou le presque visible. L’œuvre de cette artiste prend le contre-pied d'une imagerie spectaculaire pour s'intéresser à cet impalpable de la vision, à cet éphémère sensible induit par les nuances des variations lumineuses. Avec Féeries aquatiques, Alain Rivière met en œuvre des moyens simples pour transformer des objets triviaux en dispositifs donnant naissance à des jets d’eau. Plus proches, en apparence, de l’expérimentation enfantine que de la prouesse scientifique, ces jeux aquatiques sont une ode humoristique à l’empirisme. Au premier étage, Le cours des choses, film appartenant au Frac des Pays de la Loire, de Peter Fischli et David Weiss montre avec humour un enchaînement de chocs, d’accidents, pris dans un mouvement perpétuel. L’œuvre étant montée en boucle, la circularité atteint la spirale. Solides, liquides, gaz et flammes circulent, jaillissent dans cette course burlesque des éléments, où chaque objet en entraîne un autre dans son mouvement, cherchant toujours à combler un déséquilibre qui pourtant ne se stabilise jamais. Face à l’écran, la fonction du Banc de Jocelyn Cottencin paraît évidente. Sa destination est bien de nature physique avec sa réalisation faisant appel aux techniques du design. L’artiste propose de s’y installer en vue d’instants communément partagés, ou de rêverie personnelle car tous les mécanismes de relation, avec les personnes ou avec les objets, l’intéressent. Dans les salles des collections permanentes, se sont glissées quelques œuvres contemporaines : Christian Milovanoff a sélectionné au Musée du Louvre des détails de toiles et de cadres, permettant ainsi au spectateur d’imaginer ou de se rappeler, à partir du seul titre ou d’un seul élément, une peinture en son entier. Le Déluge, La Visitation et Les Noces de Cana dialoguent avec les œuvres classiques du Musée de Saint-Brieuc. Au premier étage, l’atelier du tisserand accueille une œuvre de Hannah Collins. Les objets choisis et photographiés par cette artiste sont évocateurs sans être pour autant explicites. Le grand format, comme celui d’Arrows, est une constante de son travail. Il lui permet d’impliquer physiquement le spectateur entre beauté de l’image et fragilité du support. Le sujet reste mystérieux. Si les nappes immaculées vont de soi, il est difficile de donner une signification aux flèches posées en premier plan. Seul, le spectateur peut se laisser aller à l’imaginaire. Fixes ou animés, ustensiles et mobilier rejoignent l’étymologie latine du mot objet : « Ce qui est placé devant ». Ils deviennent objets de création, faisant du spectateur le sujet inscrit dans le temps et l’espace, capable d’envisager une autre relation au monde. Capable aussi de percevoir le complément d’âme - complément d’objet - ajouté à toute chose, pour peu qu’elle soit détournée de sa trivialité et parée de merveilleux.

Autres artistes présentés

Michel Aubry, Iain Baxter, Andrea Blum, Etienne Bossut, Ronan Bouroullec, Samuel Buckman, Pierre Buraglio, Lynne Cohen, Hannah Collins, Jocelyn Cottencin, Edith Dekyndt, Peter Fischli et David Weiss, Hreinn Fridfinnsson, Raymond Hains, Georg Herold, James Hyde, Jean-Philippe Lemée, Hervé Le Nost, Christian Milovanoff, Tania Mouraud, Sylvie Réno, Alain Rivière, Patrick Tosani, Olivier Tourenc, Erika Vogt, Bernard Voïta, Ian Wallace

Partenaires

Le Frac Bretagne reçoit le soutien du Conseil régional de Bretagne, du ministère de la Culture et de la Communication - DRAC Bretagne.

Horaires

Du mardi au samedi de 10h à 18h Le dimanche de 14h à 18h

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Frac Bretagne, Fonds régional d'art contemporain 19 avenue André Mussat 35 000 Rennes France

Comment s'y rendre

Ligne C4 – Arrêt Cucillé – Frac
Ligne 14 – Arrêt Cucillé – Frac
Ligne 12 – Arrêt Dulac

métro ligne a : direction J.F. Kennedy – Arrêt Villejean-Université
+ poursuivre avec le BUS C4 – direction Grand Quartier (arrêt Cucillé – Frac)
+ poursuivre avec le BUS 14 – direction Beaulieu – Atalante (Arrêt Cucillé – Frac)

Horaires sur www.star.fr

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022