CLIMAX DÉSORIENTÉ

Exposition
Arts plastiques
Galerie Christophe Gaillard Paris 03

Shining gloves, 2014 © Véronique Boudier, Courtesy Galerie Christophe Gaillard

 

CLIMAX DÉSORIENTÉ, après Mimétisme du Mimosa, 2011, Décor pour la vie et Plus d’amour que prévu (Festival Bandits-Mages, à l’École des Beaux Arts de Bourges), s’inscrit dans la saison Futur Film Collection.
L’exposition présentera La part du vent, Les joyaux magiques, Les miroirs éblouis, Gold and Silver Camp et Prova Poetica.
Exposition du 5 avril au 17 mai 2014

Timothée Chaillou : Le carton d’invitation à une exposition est une introduction à celle-ci, un premier récit en images, tel l’avant-propos d’une narration que l’exposition complétera. Le carton d’invitation de ton exposition à la galerie Christophe Gaillard, est l’image d’une main gantée, tendue vers un miroir qui reflète l’image d’une feuille d’or. Associer la main, donc le toucher, à l’or renvoie au mythe du roi Midas à qui Dionysos offrit la faculté de transformer en or tout ce qu’il touchait. Cette capacité le coupait totalement de la vie normale, l’empêchant de manger ou de boire, tout en le contraignant à transformer ses proches en statues d’or. Ce mythe illustre ainsi parfaitement l’aspect dramatique et mortifère d’un désir trop ardent et d’une recherche du bonheur par l’accumulation des richesses – en contradiction avec la conception aristotélicienne du bonheur.
L’image de ton carton évoque L’hypothèse II - Désaccord sur la valeur des choses de ton projet Futur Film : ainsi, si tout devient or plus rien n’a de valeur. Cette image est aussi une introduction à Gold and Silver Camp.
Véronique Boudier : Shining gloves n’échappe pas à la problématique du miroir, le reflet n’échappe pas à lui-même, il projette ses obsessions. Cette image est en doute de sa propre existence, comme de son double hypothétique. Je pense à Shining de Stanley Kubrick, au paradoxe, au retournement que réalise la photographie du bar dévoilée au dernier moment...
TC : Il est assez déconcertant de voir certaines personnes, dans une grande misère, prises par les dan- ger du grand froid, être recouvertes de couvertures de survie dorées, alors que l’or est le symbole absolu de ce dont elles manquent fondamentalement : l’argent.
VB : Dans mon atelier, j’habite cet hiver une tente d’or. A la galerie Christophe Gaillard, Gold and silver camp occupe l’espace du sous-sol, et lorsque l’on y descend nous entrons à la fois dans le lieu et dans un abri tendu de couvertures de survie. A l’intérieur est diffusé Prova poetica, une vidéo dans laquelle un homme danse une lampe de poche à la main. Ainsi le faisceau de la lampe, comme celui du projecteur, éclaire et révèle le corps du danseur, le lieu de la danse et l’espace dans lequel il est projeté.
TC : Dans Shining gloves, la main est face à son double. La rencontre de son double est un rendez- vous avec la mort. «L’image fascinante d’un double n’est par conséquent en dernier ressort rien d’autre qu’un masque d’horreur, son illusoire façade : lorsque nous nous rencontrons nous-mêmes, nous rencon- trons la mort», rappelle Slavoj Zizek.
VB : CLIMAX DÉSORIENTÉ est un rendez-vous pris avec la vie et pris avec l’autre. Je ne sais pas séparer les temps, présent, passé et celui que l’on projette du futur. Dans CLIMAX DÉSORIENTÉ, les sculptures, les images,lamusiqueetlavidéosontliéesparunscé- nario, et chaque œuvre peut être un élément d’une scène prochaine de Futur Film.
TC : Lorsque l’on entre dans la galerie Christophe Gaillard, nous nous retrouvons face à un décor de studio, tel un hypothétique lieu de vie : à l’angle de deux murs des rideaux se soulèvent par le souffle d’un vent artificiel venu de derrière le cadre d’une fenêtre. Les rideaux volent ainsi selon la volonté des courants d’air. Nous entrons dans un espace scénarisé, à deux faces, qui nous indique que bien que l’on puisse passer à l’envers du décor il reste un objet lié à l’imaginaire du cinéma.
VB : Je crois qu’il faut comprendre La part du vent comme un décor et comme un retournement de ce- lui-ci sur lui-même, un peu comme le reflet dans un miroir d’une main qui se ferait déshabiller de son gant par une autre. Aussi dans le sens où un décor est construit afin d’obtenir une image de celui-ci qui se substitue à la réalité ; alors que, je montre La part du vent comme une sculpture dans l’espace, avant de l’utiliser comme élément d’action dans Futur film ; un film que j’ai toujours imaginé comme hypothèse de la réalité.
TC : En passant de l’autre côté de ce décor, nous découvrons une vitrine à l’intérieur de laquelle des pierres précieuses sont présentées.
VB : Tout comme pour La part du vent, Les joyaux magiques sont ici sculpture mais sont aussi au cœur de l’action de Futur Film, un enjeu illusoire de l’intrigue. Les joyaux magiques s’inscrivent comme éléments clefs de la scène principale de Désaccord sur la valeur des choses, une performance filmée de Futur film.
TC : Qu’en est-il des Miroirs éblouis ?
VB : Ce sont des impressions photographiques sur miroir. Le dispositif d’installation est encore et toujours lié au temps. Deux des Miroirs éblouis sont comme des constantes, Song et L’île. Par contre les évocations, les désirs, les espoirs de vie meilleure de Song, qui sont des paysages de jour et de nuit, seront présentés deux à deux, en poursuite, sur le temps de l’exposition.
TC : Qui est Song ? Comment se développe Futur Film ?
VB : Song c’est le genre humain, le personnage de la première scène hypothétique de Futur Film, Plus d’amour que prévu ; scène tournée dans l’installation Décor pour la vie en 2011. Je suis actuellement en fin de montage de ce film.
Futur Film a été imaginé à la suite de circonstances singulières rencontrées au cours d’un voyage en Asie du sud-est.
Dans mon dernier film Nuit d’un jour, j’ai focalisé le rapport entre l’habitat et la nature en un seul plan traversé par le feu. Dans Futur Film, j’étends cette relation en introduisant la notion de présence humaine, saisissant la rencontre d’une maison abandonnée par son habitant et celui de la découverte d’un corps flottant dans l’océan.
Dans un mélange d’enquête et d’alibi, je propose d’expérimenter une réalité déterminée par les images que je filme et les éléments d’installations que je crée, parmi lesquels les personnages de cette fiction et moi-même nous nous retrouvons chacun tour à tour criminel, victime, acteur ou spectateur. Progressivement les distinctions formelles vont se délier jusqu’à composer un plan d’incertitude qui se superpose à la vie même.
Extrait de l’entretien entre Timothée Chaillou et Véronique Boudier, février 2014

CLIMAX DÉSORIENTÉ est la deuxième exposition personnelle mêlant sculpture, installation, photographie et vidéo de Véronique Boudier à la Galerie Christophe Gaillard. Découverte lors de l’exposition « L’hiver de l’amour » organisée par la revue Purple à l’ARC Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1994, Véronique Boudier est une artiste rare et importante, qui poursuit sa route sans souci de produire, si ce n’est de la pensée, de la pensée en formes.
Son film Nuit d’un jour, a été programmé dans le cadre du Printemps de septembre à Toulouse, au centre Pompidou (Prospectif cinéma / elles@centrepompidou), au Centre d’art le Lait et récemment au FRAC Limousin. Véronique Boudier a participé à la première édition de La force de l’art en 2006 et des expositions monographiques lui ont été consacrées, à la Villa Arson (2005), à l’Ecole régionale des beaux-arts de Rouen (2008) et récemment à la Maison Grégoire and BN Project, Bruxelles (2010).
Son travail fait notamment partie des collections des FRAC Ile-De-France, FRAC Basse-Normandie, FRAC Limousin, du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, du Fond National d’Art Contemporain ou encore du Centre Pompidou.

Horaires

du mardi au vendredi, de 10h à 12h30 et de 14h à 19h le samedi, de 12h à 19h

Adresse

Galerie Christophe Gaillard 5 Rue Chapon 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022