Cassius Clay

Exposition
Arts plastiques
Villa du Parc Centre d'art contemporain Annemasse
Les sculptures, dessins, collages, assemblages et installations d’Hannah Dougherty (née en 1980 à Philadelphie, USA ; vit et travaille à Londres et à Berlin), qui signe ici sa première exposition personnelle en France, rappellent la mythologie grecque, les réclames des années 50, les livres pour enfants, la BD, mais aussi les croquis et dessins encyclopédiques de Dürer, des sujets et symboles empruntés autant au pop art qu’à l’art dit classique. La luxuriance de son univers plastique évoque tout à la fois le grenier et le vide-grenier, la recherche du temps perdu et le devenir souvenir du temps présent. Hannah Dougherty n’hésite pas à combiner post-Rauschenberg, avec beaucoup de liberté, morceaux choisis de textes philosophiques, bribes de pensées personnelles, fragments d’images de magazines, tickets de caisse, horaires de train, objets trouvés, etc. Mais quel rapport avec Cassius Clay ? Pourquoi ce titre pour cette exposition ? Pourquoi cette référence au grand boxeur danseur, ce poids-lourd champion du monde hors norme ? Parce que l’artiste utilise le label Cassius Clay en tant que nom polysémique, en même temps synonyme d’élégance et de puissance, de beauté et de combativité, d’éternité et de fragilité, de singularité et d’universalité. Pour autant, les travaux exposés ne seront pas l'illustration de la vie du boxeur : “Ce qui m'intéresse, précise Hannah Dougherty, c'est la qualité de transformation d'un nom. Le choix du titre est comme une occasion de fournir aux visiteurs un cadre à travers lequel le travail peut être abordé, consulté, interprété. Une sorte de talisman ou de clé...” A l’ère de la culture industrielle, le travail d’Hannah Dougherty (re)pose la question de la construction de l’identité de tout individu : que signifie penser à ce que l’on est et comment fabrique-t-on cette signification ? Hannah Dougherty fait partie de ces artistes qui s’inspirent de leur environnement immédiat. Les influences de son origine et de sa mentalité irlandaises, mais aussi les souvenirs liés à son enfance et son adolescence américaines ainsi que les caractéristiques de son environnement allemand et plus particulièrement berlinois sont perceptibles dans son travail artistique. Issues de l’expérience intime ou des souvenirs de l’artiste, les images sont ici juxtaposées de manière associative tout en conservant présence et autonomie. Exemple : l'historique et mythique figure de John Henry, héros américain, sujet de nombre de chansons et légendes américaines, se cache souvent derrière les « figures » masculines de Dougherty. Né au 19e Siècle, cet immense esclave noir au corps énorme a travaillé pour la compagnie de chemins de fer C & O. Il était le plus fort de tous les travailleurs, capable de rivaliser avec l’acier, ce qui lui a valu le surnom de "the hammer man", « l’homme-marteau ». Etrangement, il n'y a pas de visages dans l’univers d’Hannah Dougherty. Le caractère quasi « interchangeable » de ses « personnages » confère à ces derniers une présence tout ensemble ambivalente et indéterminée. Ici, le spectateur pénètre dans un univers profondément inspiré de la nature et de l’animal qui mélange fables, contes, observation des animaux, forêts idylliques et imagerie issue du monde de la bande dessinée. Libérés de la nécessité de raconter des histoires, des êtres hybrides, des figures mi-hommes mi-cerfs, des tigres et des ours, des objets familiers tels que motocyclettes, canettes de bières, tranches de gâteaux peuplent les tableaux, dessins et installations de Dougherty. Nul héroïsme, nulle dramaturgie, nulle profondeur dans cette cohabitation de signes qui semblent flotter dans l’inconscient ou l’imaginaire collectif. La force de la nature contre la force de la machine est un sujet qui fascine Hannah Dougherty. Une certaine nostalgie de la nature, telle qu'elle se manifeste par exemple dans le cabanon de jardin, quand bien même celui-ci est représenté à proximité d’un aéroport, s’oppose pour elle à la technologisation outrancière de notre environnement. Il ne s'agit pas pour l’artiste d’invoquer un passé révolu, mais plutôt de prendre pour cible les excès du présent. Autre image récurrente dans l’œuvre de Dougherty, « le nid fait main », la maison pour oiseaux, qui témoigne de la projection des habitudes et des habitations humaines sur la faune : l'homme transfert ses représentations de l’idée de confort sur les oiseaux. L'animal est humanisé parce que la relation intime avec la nature est un besoin fondamental de l'homme. L'oeuvre de Dougherty n’est pas exempte d’un certain humour irlandais. Ainsi, la maison pour oiseaux provient d'une brochure américaine pour personnes alcooliques prônant la guérison des malades par le soin administré aux oiseaux. Homme et animal, rêve et réalité, artifice et authenticité, nature et technique sont ici reliés dans de vastes collages multicolores, des accumulations débridées de citations de toutes sortes. Luminosité des couleurs pop, volatilité des croquis, quotidienneté des matériaux, références enfantines et clins d’œil à l’histoire de l’art, Hannah Dougherty puise sans complexes dans un melting-pot de signes tout autant populaires qu’érudits pour produire d’improbables et rigoureuses compositions. Le recyclage d’images et de représentations mis en œuvre par Hannah Dougherty est une invitation faite au spectateur à imaginer ses propres histoires, à exhumer ses propres souvenirs. Cette liberté d’association et d’interprétation proposée au regardeur ne constitue-t-elle pas pour d’aucuns l’un des attraits majeurs de l'art contemporain ?

Autres artistes présentés

Hannah Dougherty (née en 1980 à Philadelphie, USA)

Horaires

Du mardi au samedi de 14h à 18h30

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Villa du Parc Centre d'art contemporain Parc Montessuit 12 rue de Genève 74100 Annemasse France

Comment s'y rendre

Accès terminus tram 17 depuis Genève

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022