Caroline Achaintre : Duo Infernal

Exposition
Arts plastiques
Galerie Art : Concept Paris 03

La galerie Art : Concept est très heureuse de présenter la première exposition personnelle de Caroline Achaintre en France. Duo Infernal relève d’un questionnement fondamental dans la pratique de l’artiste qui s’intéresse à la notion d’identité changeante et multiple. Née en 1969 à Toulouse, élevée à Fürth en Allemagne et installée depuis une vingtaine d’années à Londres, Caroline Achaintre est elle-même nourrie de références culturelles multiples et radicalement différentes qui influencent sa démarche.
Sculptures en laine, en céramique ou encore aquarelles, l’artiste s’est entièrement approprié l’espace de la galerie afin d’y installer ses créatures hybrides, transformant le lieu d’exposition en un théâtre où dialoguent différents personnages mi-fantastiques, mi-fantômatiques.


Pour comprendre l’importance du travail de la matière brute (laine, argile) dans l’approche plastique de Caroline Achaintre, il est nécessaire de rappeler qu’elle a été forgeron pendant cinq ans en Allemagne avant de travailler en tant qu’artiste. L’intelligence de la main relève principalement pour Achaintre de la difficulté à créer à partir d’objets réalisés par d’autres et ne fait que renforcer l’identité de ses œuvres qui sont bien plus, pour reprendre ses termes, que de « beaux objets décoratifs à regarder  ». Sa démarche est attentive aux procédés et s’attache à laisser la matière s’exprimer sans l’enfermer dans une catégorisation préconçue. Le processus de fabrication de la pièce prime ici sur l’objet en tant qu’artefact fini. Ainsi, ses œuvres en laine semblables à des tapis berbères sont accrochées au mur et ses céramiques ne sont jamais fonctionnelles. Les qualités d’usage sont toujours détournées et remises en question avec fantaisie et humour.


Inspiré tout à la fois par le carnaval européen, le Primitivisme, l’Expressionnisme allemand ou encore la science-fiction, le travail de Caroline Achaintre évoque d’une part la possible coexistence de plusieurs personnages au sein d’un même être et d’autre part les tensions que génère la dualité. L’artiste fait également référence à ses propres souvenirs issus de la culture populaire allemande en reprenant notamment le titre d’une chanson, Duo Infernal composée par Marianne Rosenberg et le groupe Extrabreit qu’elle écoutait à l’adolescence. Cette coexistence inhérente aux pièces est ensuite activée par le regardeur lorsqu’il leur est confronté.
Aucune indication précise n’est donnée quand à la façon d’aborder le travail d’Achaintre. On y voit tour à tour un masque, un vêtement, un animal… Ses œuvres ont la particularité d’être difficiles à définir. Abstraites et figuratives à la fois, elles révèlent des formes anthropomorphiques et témoignent d’un intérêt particulier pour l’animisme. L’artiste suggère d’ailleurs que ses pièces inanimées pourraient être dotées d’une âme voire possédées par un esprit (comme c’est le cas par exemple dans la culture africaine ou japonaise). Le traitement de la surface associé aux différents jeux de texture et de couleur vient accentuer cette ambiguïté tout en soulignant la non neutralité de la sculpture. Peaux reptiliennes, écailles luisantes ou encore fourrures chatoyantes, les sculptures d’Achaintre tendent à réveiller notre « envie d’exotisme ».

La brillance séduisante de l’émail leur confère presque un aspect humide et vivant. Certaines pièces à l’instar de Severine (2018) ou Nero (2018) ressemblent à des peaux abandonnées, des mues qui évoquent une fois encore la coexistence entre l’avant et l’après, le dehors et le dedans.
Les sculptures en laine qui sont pour l’artiste une transposition tri-dimensionnelle de ses aquarelles sont réalisées au moyen d’un pistolet à tufter permettant de jouer sur la couleur et la longueur des fils de laine. Cette technique très physique conserve l’intensité qui se trouve dans les dessins tout en renforçant le caractère expressif et animé de la pièce. 
« Textile, céramique, je travaille sur le masque au sens large. Mes œuvres en laine tuftée représentent toujours plus qu’un seul être. Il y a la façade de la surface et puis la question de qui se trouve derrière. J’étais intéressée par l’aspect psychologique de ce que vous voyez dans ces objets : ils ont des traits anthropomorphiques mais ils ne sont pas abstraits et pas encore figuratifs ; une série de couches de personnalités multiples. »*


L’intérêt d’Achaintre pour la dimension psychologique de son travail est présent depuis le début des années 2000. Ses premières œuvres sur papier, souvent géométriques rappellent les tests de Rorschach. Le masque, le déguisement sont autant d’éléments qui témoignent de la fascination de l’artiste pour la coexistence d’une pluralité de personnalités au sein d’un même individu. Les figures de Caroline Achaintre sont habitées. BiaUltra (2017) est mi-vautour mi-créature de science-fiction et Hocus Locus (2018) figure un animal tout en étant inspiré des bas-reliefs de la porte d’Ishtar.
La mutation des formes et la pluralité des interprétations possibles engage l’esprit et la fantaisie du regardeur. C’est là la force du travail de Caroline Achaintre : questionner notre propre capacité d’être au monde en tant qu’individu défini par une identité complexe et multiple.

Lila Cegarra


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*  Caroline Achaintre, « The Artist in her Studio: Caroline Achaintre at Tate Britain », Tate Etc., n°32, Automne 2014, p.13

 

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Née à Toulouse en 1969, Caroline Achaintre vit et travaille à Londres. Son travail embrasse une large sélection de médiums et de techniques associées aux Arts appliqués. Ses sculptures en laine tuftée, ses céramique et ses aquarelles aux couleurs puissantes évoquent l’esprit subversif du carnaval européen et créent une atmosphère à la fois joyeuse et absurde. Caroline Achaintre puise ses influences dans l’histoire de l’art, notamment l’Expressionisme allemand ou le Primitivisme, mais se nourrit aussi de références plus contemporaines et populaires comme la science fiction, la scène métal ou les films d’horreur.
Elle a récemment présenté de nombreuses expositions personnelles notamment au De La Warr Pavilion (Bexhill-on-sea) en 2018, au Frac Champagne-Ardenne (Reims) en 2017, au BALTIC-Centre for Contemporary Art (Gateshea) en 2016 et à la Tate Britain (Londres) en 2015. Son travail a intégré de multiples collections publiques comme celle de la Tate Britain (Londres), du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du Centre national des arts plastiques (Paris), du Frac Aquitaine (Bordeaux) ou encore du Frac Champagne-Ardenne (Reims).

Horaires

mardi - samedi 11h - 19h

Adresse

Galerie Art : Concept 4, passage Sainte-Avoye 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Galerie Art : Concept 4 passage Sainte-Avoye, 75003 Paris entrée 8 rue Rambuteau
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022