Bruno Perramant
Bruno Perramant
History of abstraction III
Composition n°3: les aveugles
08.09 / 15.10.2011
« l’abstrait c’est facile, c’est le refuge des fainéants, c’est la lâcheté même de l’artiste, c’est la
désertion. Faire rentrer l’abstrait dans le concret, voilà le difficile. »
louis ferdinand céline à elie faure
vous me demandez pourquoi ce titre ? History of abstraction, c’est un peu ambitieux. Composition n°3, les
aveugles, est le troisième volet d’une histoire commencée à berlin cette année par la présentation des
premier et deuxième épisodes : Prologue et The wedding. il y aura encore au moins deux autres dont 8
squares, 8 objects que l’on pourra voir à Bruxelles prochainement.
j’ai en tête évidemment les « histoires du cinéma » de jean-luc godard ou encore « history
of violence » de david cronenberg mais c’est à georges bataille en particulier que je me réfère
quand à la formulation du titre et à son « histoire de l’oeil ». sphère dans la sphère, jaune, blanc,
rouge pour les couleurs. histoire d’abstraction et ceci uniquement avec des tableaux figuratifs
comme si on prenait en charge et pour tâche, une histoire de la violence par des images les plus
douces qui soient ou uniquement selon un principe de délicatesse. ce n’est pas ce à quoi l’histoire
de l’art nous a habitué, pas de date, pas de référence aux grands noms ou alors déguisés comme
ces prisonniers, fantômes, avec une couverture sur la tête.
avec un peu d’humour on pourra voir un léviathan du pauvre sous une simple couverture rouge, un jeu d’enfant en somme. et c’est par jeu encore que je me place là où on ne m’attend pas. Vous préssentiez de ma part un attachement à l’image, vous allez être déçu. le premier regard porté sur une oeuvre est toujours vision d’une
abstraction. le temps secret, passé à la réalisation des oeuvres, c’est à dire que personne ne le
connaît, est toujours porté vers l’abstraction, aucune histoire ne tient dans ce temps là. c’est une
forme d ‘accès au vide, très libre, où aucune injonction extérieure ne peut venir perturber des actes
qui n’obéissent qu’au déroulement, au dépliage du réel à travers une pratique qui de mémoire et
d’audace, avance à pas comptés , au mieux sur du velours, vers une unité où la fiction retrouve sa sa place, celle d’une greffe, comme une jeune pousse sur un tronc ancien, principal, abstrait,
essentiel, générateur, plein de sève. c’est de plus en plus d’ailleurs une vision correspondant
à l’existence, une abstraction où vient se greffer de multiples fictions plus ou moins fortes,
violentes ou salvatrices, un réel complexe truffé de portes où se déjoue toute forme de lourdeur
et de gravité.
pour subvertir un aveuglement volontaire, il faut un subtil et infime décalage, un
travail d’abstraction, une indication vers un éblouissement, une pure apparence, un pur leurre.
Glissando sur l’emprise de la fiction, glissando de l’oeil-oeuf, soie blanche, retournement.
initialement prévu pour un autre espace, Composition n°3, les aveugles n’a subi que peu de modifications
pour s’adapter à l’espace de la galerie. une dissémination vers la périphérie, tout au plus,
comme des preuves secondaires pouvant à tout moment être incluses dans le jeu, ou en réserve
d’interprétation. Le dépliage de tous ces éléments, juxtaposés, empilés, offre une vision précise de
la disposition à un moment donné d’une scène de crime sans corps ni coupable, indices de ce qui
a toujours lieu.
l’ensemble est composé d’une vingtaine de tableaux datés de 2000 à aujourd’hui, « accrochés »
selon une méthode prenant en compte toutes les directions et liaisons possibles, par juxtapositions
et chevauchements, de bas en haut, de droite à gauche, de l’arrière vers l’avant et vice-versa. il est
possible d’imaginer à partir de là de nouveaux déploiements qui font fi de toute idée de linéarité,
de toute option rétrospective, un jeu sans limite, à suivre…
bruno perramant