Børre Sæthre

All Passion Spent (Death and Dark Forests)
Exposition
Arts plastiques
Galerie Loevenbruck Paris 06
Vue d'exposition

« JE VEUX UN INTÉRIEUR DE BØRRE SÆTHRE DANS LES MEILLEURS DÉLAIS »

Kate McNamara

« Je veux un intérieur de Børre Sæthre dans les meilleurs délais. »

Cette réflexion, je l’ai entendue peu après le vernissage de l’ex- position de Børre Sæthre présentée au P.S.1 de New York sous le titre Stealth Distortion (... must have seen it in some teenage wet dream) en 2008. C’est une réaction fréquente, que j’ai constatée à maintes reprises. Les espa- ces méticuleusement construits par Sæthre sont à la fois spectaculaires, retors, subtils et grisants par leur mise en suspens du réel. Le spectateur est attiré dans le domaine arrangé de Sæthre par des explosions répéti- tives et des alarmes sonores de robot : un bruitage venu du plafond qui engendre l’inquiétude. Dès qu’il y pénètre, il se retrouve enveloppé dans un environnement familier et pourtant improbable.

Lors de notre première rencontre, Børre Sæthre m’a demandé d’appeler un magasin de fournitures pour la taxidermie dans le Colorado parce qu’il cherchait des fausses griffes d’ours noir (ou baribal). L’artiste m’a aimablement informée que c’étaient les plus proches de celles de l’ours polaire. J’ai sauté sur l’occasion, évidem- ment. Où et pourquoi aurais-je jamais un autre prétexte pour passer ce genre de coup de fil ? L’ours polaire auquel étaient destinés les ongles en question attendait au beau milieu de la galerie new-yorkaise Parti- cipant Inc, discrètement enfermé dans une caisse en bois. Étant donné l’interdiction d’exporter les têtes d’ours polaires empaillées, Sæthre devait la reproduire sous forme d’œuvre d’art. Tout cela me parais- sait à la fois extraordinaire et ridicule. J’y ai souvent réfléchi à propos de Sæthre. À quoi ressemble l’art déguisé en art ? Jean Baudrillard et d’autres emploient le terme «hyperréel» pour désigner le moment où le réel ne se distingue plus de l’imaginaire. C’est une notion essen- tielle dans le travail de Sæthre. Ses installations engendrent un effet d’hyperréel en alliant les déformations de l’espace aux objets sortis de leur contexte et transplantés dans quelque chose qui serait plutôt de l’ordre du non-lieu onirique entièrement artificiel. C’est là que réside

la force de séduction de ses espaces fabriqués extrêmement troublants où l’on a envie de s’attarder.

Son affection (au sens fort du terme) pour les objets désuets se manifeste dans maintes configurations qui entretiennent un double sentiment d’intimité et de décalage complet chez le spectateur. Les ampoules électriques vertes à correction de couleur des années 1960, les cloisons japonaises coulissantes, les animaux montés sur socle, les carreaux de miroir et les isolants phoniques en mousse de polyuré- thane utilisés dans les stations de radio s’insèrent stratégiquement dans une palette monochrome. Beaucoup d’objets, dans ces installations hybrides, évoquent le temps qui passe. Naguère ultramodernes, ils sont associés aujourd’hui à des technologies périmées. Il y a une dualité inhérente à la plupart de ces objets, dont la valeur esthétique a autant d’importance que leur fonction initiale. Sæthre maîtrise parfaitement, avec une conviction totale, chacun des aspects de ses installations. Il sait à quel moment et dans quelles circonstances les différents composants ont vu le jour. Il peut même expliquer pourquoi on ne les trouve plus dans le commerce à présent, et décrire précisément ce qui les a rempla- cés. Dans une période où la rapidité des progrès techniques incite les ingénieurs, les designers et les industriels, à jouer des coudes dans une éternelle course en avant, bien des matériaux et des procédés se retrou- vent abandonnés et enterrés. Dans les œuvres de Sæthre, le regret de la grande époque du design se mélange à la célébration d’un avenir mythique. C’est un hommage baroque à l’ultramoderne, qui symbolise les aspirations vaines d’une civilisation et les replace dans un décor où elles sont nécessaires, appréciées et pertinentes.

Artistes

Horaires

Mardi–Samedi, 11h–19h

Adresse

Galerie Loevenbruck 6 rue Jacques Callot 75006 Paris 06 France
Dernière mise à jour le 3 mai 2023