Blaise Drummond

A Liquid Note in Spring
Exposition
Arts plastiques
Galerie Loevenbruck Paris 06
Blaise Drummond, The Boathouses, 2022

Blaise Drummond, The Boathouses, 2022
Détrempe et collage sur toile
130 x 170 cm

Blaise Drummond : De la lanterne magique au destin manifeste

Les épopées en bande dessinée et une frontière du far west bien dramatisée imprègnent les dernières œuvres de Blaise Drummond. Au gré des images, on trouvera, notamment, un cow-boy contre un Indien ou l’opposition entre le souvenir d’un film et la réalité dans un autre, mais cela se joue toujours dans une plaine naturelle qui rétrécit tandis que l’histoire et le mythe se flétrissent sous la chaleur du soleil.

Le paysage et le portrait sont deux visions du monde domestiquées par notre univers de smartphones mais empruntées à l’histoire de l’art et à la pratique artistique. Blaise Drummond joue de subtils portraits paysagers à la fois historiques et fictifs. Il ne s’agit pas d’un rapport d’aspect, plutôt d’une manière de capturer le terrain. Son art annexe le terrain, et il est question de saisir l’esthétique, non pas le déplacement des personnes.

Regardez de plus près les indices. Des feuilles de papier millimétré jonchent ce paysage, comme des menaces environnementales rejetées dans le passé mythique de la conquête de l’Ouest. Des confettis dangereux issus de sociétés à venir à partir desquels on attise la démocratie identitaire. Ce qui a politisé la planète en jeux de pouvoir du parti vert. Le mal est fait, nous laissons pourrir. Regardez ce morceau de papier millimétré et ses lignes de latitude et de longitude. C’est l’atlas sur lequel Drummond peint. C’est la grille sur laquelle se déplacent les personnages solitaires – à cheval, en bateau. Ou bien pas du tout, car le fait est que dans certaines images d’habitats construits, les êtres humains détonnent par leur absence. Les lignes de la grille se croisent d’est en ouest et du nord au sud : des cartes en guise de paysages et des cartes en guise de portraits.

Ses verticales linéaires se heurtent aux héros de la nature, les arbres. Ces lignes croisent le fer. Elles s’opposent dans une coexistence ordonnée. Il ne s’agit jamais d’un conflit des humains contre la nature, mais d’une négociation continue entre eux et elle. Mais les humains sont de très mauvaise foi.

Une montagne solitaire est une merveille éléphantine, un dépôt de sagesse qui n’oublie jamais. Un homme rame sur des eaux futures qui montent, soulevé par la marée d’un monde qui n’en a cure. Dans un paysage blanc, une fleur ébouriffée mendie l’attention d’un homme perdu. Si ce n’étaient des arbres verts en arrière-plan et la tenue vestimentaire chic du modèle, l’endroit pourrait être une étendue sauvage gelée, un lac recouvert de glace. L’homme est Johnny Appleseed. Walt Whitman. Henry David Thoreau. Quelque sage écologiste. Ou un ingénieur scout qui industrialiserait le paysage avec des voies ferrées destinées au commerce. Ou encore un poète contemplatif cherchant à manier l’arme du vers pour préserver la nature de la destruction, pour immortaliser l’éternel et déclinant extérieur.

Les peintures de Blaise Drummond ne prêchent pas. Elles observent. Elles jettent un coup d’œil à travers les barreaux et les grilles des structures d’habitation modernistes et nous présentent tous comme étant finalement encagés. Peut-être pour nous protéger de la nature. Peut-être pour protéger cette nature contre nous, alors que, emprisonnés, nous purgeons le reste de notre peine sur cette douce Terre et que notre temps s’amenuise inéluctablement.

C’est un truc de natif. Des fusils, des plumes et des crinières. Une sorte de mash-up wigwam : du papier peint collé sur les grands terrains alors que les Peaux-Rouges et les chevaux et les simples coiffes font allusion au papier peint des chambres d’enfant.

Un marin aux accents soviétiques et un Peau-Rouge, plume au chapeau, qui brandit un revolver à califourchon sur un cheval – on le dirait droit sorti d’un navire Potemkine ou d’un village Potemkine. Ou serait-il un flacon de parfum Gaultier  ? Ou un figurant de Kenneth Anger ? Pantin de la machine de guerre, il chevauche de mer en océan, inconsciemment brutal, sans remarquer le crocodile en mosaïque qui aurait pu ramper depuis un parc artistique de Gaudí ou une vitrine de bijoux de Damien Hirst. Ou arrivé en centre-ville lors d’une inondation catastrophique. Les bêtes déplacées et vengeresses attendent dans les égouts gonflés à bloc par les antibiotiques et autres polluants.

Les images de Blaise Drummond font partie d’une lanterne magique posée dans une salle de jeux victorienne. Elles sont pleines de malice et de charme. Regardez les « héros » faire des révolutions serrées autour de votre mur, les cow-boys et les Peaux-Rouges, entourant les chariots, le cheval déjà asservi alors que s’accomplit le destin manifeste.

John Fleming, écrivain et journaliste, Dublin, décembre 2022

Artistes

Horaires

Mardi–Samedi, 11h–19h

Adresse

Galerie Loevenbruck 6 rue Jacques Callot 75006 Paris 06 France
Dernière mise à jour le 2 mai 2023