Bente Skjøttgaard

Timberline
Exposition
Arts du feu
Galerie Maria Lund Paris 03
Bente_Skjøttgaard_Timberline#2331_grè-émaillé_2023

Un chêne peut atteindre jusqu’à mille ans d’âge. L’arbre est ainsi un témoin du temps, des évolutions : intempéries, fléaux et interventions humaines s’y inscrivent et modifient son aspect.

Avec Timberline, Bente Skjøttgaard fait parler l’arbre millénaire : elle a imaginé une forêt fossilisée, éternelle, mystérieuse et aérienne où des arbres mastodontes matérialisent l’histoire, des histoires.
Ses nouvelles sculptures, droites ou courbes, s’érigent vers le ciel ou longent le sol. Elles traduisent avec un grand dynamisme ces forces tranquilles. Les parois sont denses ou au contraire ajourées, reprenant les structures fines des tissus microscopiques de l’arbre. Certaines présentent des surfaces de mosaïques irrégulières telles une schématisation de la structure des écorces. Les variations de blanc dominent, contrastant avec des verts délicats et des bleus soutenus, voir une couleur rose bien gourmande. Ici et là quelque nœud, quelque appendice ou croissance parasite en fonte d’étain apporte un éclat par sa brillance argentée

Complément d'information

Timberline (limite forestière), marque une ligne au-delà de laquelle certaines formes de vie ne peuvent subsister, invitant ainsi symboliquement à chérir cette vie en conscience de son importance. Bente Skjøttgaard rend ici un hommage à l’arbre : sa lenteur de croissance, sa capacité de régénérescence et d’absorption de CO², son rôle précieux d’accueil pour nombre d’animaux et minuscules existences.

Le titre Family Tree (arbre généalogique) donné aux œuvres, suggère un parallèle avec la famille humaine où les générations se suivent et les jeunes pousses existent à l’abri mais aussi dans l’ombre des grands troncs.

En 2005-2006 les forêts européennes étaient ravagées par une tempête hivernale. Confrontée aux amas d’arbres déracinés et mutilés, Bente Skjøttgaard avait alors modelé des racines dénudées, des troncs et des accumulations de branches en se servant d’une gamme d’émaux rappelant la tradition potière utilitaire (verts, jaunes, bruns). Deux ans plus tard l’artiste revisitait les origines des matières céramiques avec Elements in white (Éléments en blanc). Roches, matières organiques et déchets humains formaient des sculptures monumentales, le tout uniformisé par des émaux blancs aux textures extraordinaires : surfaces rugueuses rappelant le corail, craquelures, sucre glace. Civilisation, culture et nature s’étaient donné rendez-vous dans ce tour de force de matières.

Timberline établit, certes, des liens avec ces deux séries antérieures mais elle résulte aussi d’un voyage dans l’histoire de la céramique franco-danoise de la fin du 19e-début du 20e siècle. Voyage déclenché par un projet de recherche initié par le musée danois Vejen Kunstmuseum et dédié au sculpteur Niels Hansen Jacobsen (1861-1941) à qui le Musée Bourdelle avait consacré une exposition monographique (2020). L’artiste danois a vécu dix ans à Paris et a eu pour voisin le sculpteur Jean Carriès (1855-1894). Celui-ci fut connu pour son œuvre céramique pionnière qui traduisait sa fascination pour la céramique chinoise Song et l’utilisation exclusive de matériaux locaux propre à cette technique. Le projet de recherche mené par Vejen Kunstmuseum a eu pour but de pénétrer les secrets de la créativité abondante de l’œuvre céramique de Niels Hansen Jacobsen avec l’aide de 10 céramistes-plasticiens contemporains dont Bente Skjøttgaard. Il est possible que le Danois ait eu connaissance des recettes d’émail de Jean Carriès publiées de façon posthume par son assistant L. Auclair dans l’article Céramique de grand feu paru dans Art et Décoration (oct. 1910). Dans cette hypothèse, Bente Skjøttgaard a tenté d’interpréter les recettes de Carriès en se servant de son principe phare : l’utilisation de matières locales et contemporaines. Boules de Leca, béton expansif, briques et pierres volcaniques écrasés et scories en provenance du four de Niels Hansen Jacobsen constituent ainsi des composants des nouveaux émaux développés. Très inspirée par une œuvre spécifique de Niels Hansen Jacobsen - VKV3050 – un petit pichet avec une anse en étain en forme de branche datant de sa période parisienne, Bente Skjøttgaard a appris les techniques de fonte à cire-perdue et de sable. Ainsi des éléments en étain – partiellement visibles, partiellement cachés – ont intégré le vocabulaire de Bente Skjøttgaard. Un lien s’établit ici avec la recherche fondamentale et les expériences mystérieuses des alchimistes d’antan, expériences étroitement liées à l’histoire de la céramique.  

Sources pour l’imaginaire humain depuis les temps anciens, les arbres et ce qu’ils cachent ont inspiré de nombreux récits et contes. Les sculptures réunies dans Timberline parlent à leur tour de temporalité, de capacité d’adaptation, de la famille et des interrogations environnementales. Inscrite dans ces œuvres se trouve également une histoire des inspirations entre générations d’artistes et des liens entre les avant-gardes artistiques françaises et danoises à la fin du 19e siècle. Des liens qui se trouvent ici renouvelés par les expérimentations et la poésie matérialisée si spécifique de Bente Skjøttgaard.

Adresse

Galerie Maria Lund 48 rue de Turenne 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

M°1 - St Paul 
 

Dernière mise à jour le 28 janvier 2024