Avers et revers sensible

Exposition
Photographie
Topographie de l'art Paris 03

Patrick Tosani, “Les chaussures de lait III”, 2002, 92 x 120 cm, photographie couleur c-print. ©Adagp. Courtesy galerie In Situ / Fabienne Leclerc.

Cette exposition confronte les photographes contemporains Antoine d’Agata, Dieter Appelt, Roger Ballen, Blanca Casas Brullet, Ann Mandelbaum, David Nebreda, Catherine Rebois, Andres Serrano, Dorothée Smith, Patrick Tosani. Ils s’interrogent, chacun à leur manière, sur les dimensions du sensible et sa mise en image avec la photographie.

Cette thématique les rassemble pour cette exposition “avers et revers sensible” alors que leurs univers photographiques ne sont pas, à priori, les mêmes. Certains d’entre eux mettent à distance cette question du sensible avec des photographies qui montrent sans rien imposer. D’autres, au contraire, travaillent cette composante qui devient alors indissociable de l’image. C’est justement ces paradoxes liés au “sensible“ qui nous interpellent ici.

La question est bien là, sous quelle forme s’exprime le sensible ? C’est ce qui va particulièrement nous intéresser, comme dans le travail de Dorothée Smith qui interroge le trouble ou dans celui de Patrick Tosani qui ne montre jamais de corps alors qu’il est au centre de la problématique. Dieter Appelt ou Antoine d’Agata envisagent ce questionnement sur le sensible, de face, de plain-pied, jusqu’à investir l’image corporellement. Andres Serrano ou Roger Ballen travaillent la mise en oeuvre de l’image et son rapport particulier au sujet, ce qui met directement le spectateur au coeur de cette relation au sensible qui s’impose. Catherine Rebois réinvestit la narration et sa forme. David Nebreda met en jeu l’autoportrait, autoportrait salvateur puisqu’on assiste avec ce travail à une résurrection, forme singulière de réalité, avec une constance biographique et un rapport au temps particulier. Ann Mandelbaum travail l’ombre et les noirs pour y envisager des métamorphoses. Blanca Casas Brullet s’empare de l’atelier comme espace sensible et intime ou apparaissent et disparaissent les images.

Cette interrogation est doublement intéressante, car elle concerne à la fois les limites du sensible pour la photographie, mais également la photographie elle-même, c’est-à-dire le processus photographique et la surface de l’image dite sensible. Sensible à la lumière, mais aussi image capable de sensation et de perception. Tout est là, dans l’oeuvre. Il n’y a rien de caché derrière l’image et, en ce sens, ce que nous ne voyons pas nous regarde (1). Le sensible n’est pas visible de prime abord et se révèle sous différentes formes dans l’oeuvre. Est-ce à dire qu’il est forcément une composante de l’oeuvre ?

L’origine latine sensibilis se traduit par être capable de sentir. De par le traitement qui en est fait aujourd’hui, cette question simple sur le sensible reste centrale ; sommes-nous encore capables de sentir ? Quel serait le sens d’une oeuvre qui ne sent rien ? Sentir dans tous les sens du terme, celui de percevoir, mais aussi de flairer, de humer et même de renifler. Sentir le danger, avoir des sensations, des odeurs, reconnaître, goûter, éprouver, mais aussi révéler, indiquer, souligner. Sentir le monde dans toute son amplitude et être en prise avec soi.

Ce sont ces confrontations photographiques et ces approches créatives qui donnent sens à cette exposition. Chacun de ces artistes va au bout d’une vérité sensible qui lui est propre. Il s’en dégagera alors d’autres enjeux … comme celui de la forme. Ce sont donc les frontières du sensible pour la photographie qui sont explorées ici. Mais les frontières existent-elles réellement ? Pourquoi ne pas envisager les liens et passages entre les genres et porter à notre tour un regard sensible sur ces survenances photographiques, car “regarder n’est pas une compétence, mais une expérience” (2).

 

Catherine Rebois

1 Voir Didi-Huberman.

2 Didi-Huberman à propos d’Histoire de Fantôme, Palais de Tokyo, 2014.

Complément d'information

Commissaire de l'exposition : Catherine Rebois

Autres artistes présentés

David Nebreda
Catherine Rebois

Horaires

du mardi au samedi de 14h à 19h

Adresse

Topographie de l'art 15 rue de Thorigny 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Entrée libre
Dernière mise à jour le 2 mars 2020