Avec Piotr Kowalski 

Rodolphe Delaunay, Piotr Kowalski, Jiro Nakayama, Bettina Samson, Jun Takita
Exposition
Arts plastiques
ESADHaR Rouen

visuel: Piotr Kowalski

Depuis sa disparition, Piotr Kowalski (1927-2004), l’un des artistes les plus importants et les plus singuliers de la deuxième moitié du 20ème siècle, a été “oublié”, en tout cas par les institutions d’art moderne et contemporain où il a pourtant souvent été exposé. A l’initiative de Jason Karaïndros, qui a fait partie de l’atelier que le sculpteur a dirigé à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, l’Ecole Régionale des Beaux-Arts de Rouen organise une exposition qui veut être un premier pas sur le chemin d’une reconnaissance nécessaire. D’emblée, l’idée a été de coupler la présentation de quelques œuvres-clefs de l’artiste à celle de jeunes artistes d’aujourd’hui travaillant dans le même champ d’imagination, celui de démarches où l’attention à ce qui se libère pour la pensée dans les sciences de la nature joue un rôle prédominant. Réunis par Jason Karaïndros, artiste et professeur de multimédia à l’Ecole de Rouen et par Jean-Christophe Bailly, auteur d’une monographie et de nombreux textes sur Kowalski, quatre jeunes artistes, donc, ont accepté de donner corps par leurs travaux à cette idée d’une continuité spéculative de l’art contemporain. Deux d’entre eux, Jiro Nakayama et Jun Takita, ont été des élèves puis des assistants de Piotr Kowalski, dont les liens avec le Japon ont été très étroits. Les deux autres, plus jeunes (Bettina Samson et Rodolphe Delaunay), ne l’ont pas connu. Mais ce qui est en jeu, ce ne sont certes pas des influences, encore moins une famille, c’est une certaine communauté d’attitude, et la décision d’une modernité radicale. A l’époque où l’on tentait de lancer le bateau « post-modernité », Kowalski, lui, posait la question inverse : « C’est pour quand l’art moderne ? » En effet, il considérait que l’essentiel restait à faire et que si les grandes œuvres pionnières de la modernité plastique avaient élaboré une sorte de grammaire, il restait à écrire les phrases de cette modernité. C’est en tout cas ce que sans relâche, venant de la mathématique et de l’architecture, il se sera appliqué à faire, en ayant constamment le souci de coupler sa recherche formelle à l’évolution technique : il sera ainsi l’un des premiers artistes au monde à utiliser le néon ou à intégrer l’informatique dans le mode d’existence de l’œuvre. L’extrême diversité des matériaux qu’il a employés, de la paille ou du sable aux gaz rares et au laser, comme l’amplitude de la gamme des échelles auxquelles il a recouru (du portatif au monumental), au lieu de disperser le sens de son œuvre, en resserrent l’unité programmatique : chaque œuvre devait d’abord être pour lui, disait-il, une « machine à faire des vierges », une proposition spatiale réenclenchant l’étonnement. Trois pièces seront présentées à l’exposition. La Machine pseudo-didactique (1961-1965), qui est réellement une machine, a valeur de manifeste. En effet, se présentant comme une sorte de table sur laquelle une peau élastique animée est tendue, elle donne à voir l’évolution constante d’une matière visqueuse installée sur cette surface mobile : c’est donc à une formation sans fin que l’on assiste, l’œuvre se présentant comme toujours à venir et jamais n’advenant. Par rapport à cette formation des formes, les Shrunken pièces (1979, du verbe shrink, se contracter, rétrécir) sont des formes formées. Elles sont obtenues par la dépression naturelle de la cire contenue dans un volume géométrique simple (cube, cylindre, sphère). Le modèle en est la feuille d’eucalyptus qui se contracte, le résultat (empreinte négative ou positive) une énigme formelle et une singularité. Enfin la Flèche de sable (1979), pièce portative et éphémère, ironique et magique – obtenue par du sable versé délicatement dans un moule fendu en forme de flèche et déposée comme trace sur n’importe quelle surface transformera la galerie en un jeu de piste secret. En se basant sur ses connaissances de la science contemporaine, qui étaient grandes, ce que Kowalski avait retrouvé, c’était une poétique, c’était une façon d’exalter cet « aspect romantico-poétique » des sciences que Novalis avait pointé en son temps. Les quatre jeunes artistes présents à ses côtés dans cette exposition sont avec lui sur ce versant, chacun à leur manière. Jiro Nakayama (né en 1961 à Tokyo) ne cherche pas à faire exister des œuvres mais à créer des dispositifs de lecture des phénomènes naturels présents dans l’espace qui nous entoure et auxquels nous ne prêtons pas attention. Les ondes et les poussières sont ses principaux “témoins”. A Rouen il montrera trois pièces. La phase (1993) : deux ventilateurs placés face à face, tournant en sens inverse, et dont l’ombre portée, stationnaire, efface le mouvement. Poussière, une pièce de 2006, un dispositif d’observation optique de la constellation mobile des poussières en suspension dans l’espace. Et Vide (2010), un cube de verre de 30x30x30cm, jouxté à une pompe à air, et contenant du vide. Jun Takita (né en 1966 à Tokyo) travaille avant tout sur le vivant. La photosynthèse, d’une part, et les phénomènes de bioluminescence réservés à de rares espèces que nous connaissons bien (lucioles, vers luisants), d’autre part, sont les phénomènes qu’il explore, à des échelles variées, qui vont de l’objet de laboratoire au jardin. Light, only light est sans doute le plus étonnant de ses travaux : il s’agit d’une reconstitution en résine du cerveau de l’artiste, qui a été recouverte d’une mousse génétiquement modifiée sur laquelle est projetée une solution de luciférine : le cerveau devient émetteur de lumière. A Rouen, ce sont des photos récentes de cet objet, obtenues à certaines conditions, qui seront exposées, ainsi qu’une pièce plus ancienne, Conversion de l’énergie (1991) qui porte, elle, sur une manipulation de la photo-synthèse. Bettina Samson (née en 1978 à Paris) agit dans deux directions principales : la mémoire des utopies et l’expérimentation scientifique. Les deux pièces présentées à l’exposition ont trait à la physique. Les deux tirages intitulés Nuclear Dust #1 et #2 (2009) ressemblent à des constellations, mais ce sont des photos prises sans lumière, le résultat de l’exposition de films au rayonnement issu de la poussière de pechblende. Quant à la Première photographie du spectre solaire altérée par le temps et sous la forme rêvée d’un carottage (2009 également), elle se présente comme un cylindre d’un diamètre de 20cm et long de 2 mètres qui, posé sur des tréteaux, évoque l’idée, quelque peu vertigineuse, d’une généalogie de la lumière. Rodolphe Delaunay (né en 1984 à Rouen), le plus jeune des artistes présentés, est celui qui travaille au contact d’états de science plus anciens, inscrits dans l’histoire par des objets qu’il reconvertit et dont il extrait la résonance poétique, en écho à celle de l’univers. Cyclope panoramic (2010) est une boule de cristal traversée par un judas optique. Télescope (2009) emboutit de façon très étrange un télescope dans un énorme silex. Et Promenade au clair de lune (2009) fait passer la sonate de Beethoven (enregistrée sur un 33 tours vinyle) sur un tourne-disques réglé sur un moteur de télescope, soit à 1 tour par jour : le mouvement, comme la musique, deviennent imperceptibles, mais sont projetés dans une dimension cosmique. Le jeudi 20 janvier de 10h à 12h et de 14h30 à 17h30 se tiendra à la salle de conférences de l’ERBA une table ronde-conférence où la problématique de l’exposition sera abordée. Y interviendront, autour de Jason Karaïndros, Jiro Nakayama, Jun Takita, Bettina Samson et Rodolphe Delaunay ainsi que les écrivains Henri-Alexis Baatsch et Jean-Christophe Bailly, qui furent de proches amis de Piotr Kowalski. Remerciements aux artistes, et à Andrea Ferenc-Kowalski, Yvon Nouzille, Galerie Sultana et Galerie Frédéric Lacroix, ainsi qu'à Sylvie Tocque, Jean Claude Carpentier, Philippe Inemer et toute l'équipe administrative et technique de l'ERBA de Rouen, ainsi qu'aux étudiants qui ont participé au montage de l'exposition. Commissariat de l’exposition : Jean-Christophe Bailly et Jason Karaïndros

Complément d'information

L'exposition «avec Piotr Kowalski» constitue le 10 ème volet d'une série d’expositions que Jason Karaïndros, organise une fois par an souvent avec la complicité de personnalités du monde de l'art dans les Galeries de l’ERBA de Rouen. Constitué de deux grandes salles qui se succèdent, cet espace d’expositions est situé dans l’Aître Saint-Maclou, un charnier, monument historique du XVIe siècle.

Ces expositions permettent à l’ensemble des étudiants de l’école de se confronter à différentes problématiques de la création contemporaine, et, en particulier, à celles liées aux outils dits «multimédia», que les artistes invités mettent en oeuvre avec la plus grande ouverture d’esprit. Des étudiants ont souvent la possibilité d’assister les artistes et de faire l’expérience d’un montage d’exposition. Pour étayer ces rencontres, l’artiste présente son travail lors d’une conférence, et des «workshops» de trois à quatre jours sont parfois organisés avec des groupes d’étudiants.

Le 1er volet de ces expositions intitulé «Guerre et Paix», réunissait en 2001 des œuvres d’Alain Declercq et de Joël Bartolomeo, le 2ème volet, intitulé «touch me» en 2002 des œuvres interactives produites par le ZKM avec la complicité de Bernard Serexhe, le 3ème en 2003 titré «dort ist überall» des œuvres du département des arts et médias de la H.f.G. avec la complicité de Dieter Kiessling et de Iris Kadel, le 4ème en 2004 intitulé “Des-composition”, des œuvres de Michel Blazy et de Vincent Victor Jouffe, le 5ème en 2005 celles de Jiro Nakayama et de Roman Signer, le 6ème en 2006, des œuvres d’Anne-Marie Cornu et du compositeur Alexandros Markeas, le 7ème en 2007, celles de Samuel Bianchini et d’Antonio Gallego, le 8ème en 2009 intitulé «Dessus dessous la ville» celles de Gwen Rouvillois et de Stéphane Pichard et le 9ème en 2010 «Man is a Shadow's Dream», des œuvres de Kara Walker et de Brigitte Zieger.

Autres artistes présentés

Rodolphe Delaunay, Piotr Kowalski, Jiro Nakayama,
Bettina Samson, Jun Takita

Partenaires

Exposition réalisée avec le concours de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Haute-Normandie. L’Ecole Régionale des Beaux-Arts de Rouen est un établissement d’enseignement artistique supérieur géré par la Ville de Rouen, et placé sous la tutelle pédagogique du Ministère de la Culture et de la Communication.

Horaires

du mardi au samedi : 9h à 12h / 14h à 18h.

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

ESADHaR 2 rue Giuseppe Verdi 76000 Rouen France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022