Art & Design ;) une histoire d'humour
Colloque sous la direction d'Isabelle Alzieu, Jérôme Carrié et Bernard Lafargue
Le design est devenu l’art majeur de notre temps. Nous comprenons ici le mot « design » en passant par l’anglais et l’italien. L’anglais fait résonner le pragmatisme eudémonique et e(i)conomique de sa triple nature de verbe, substantif et qualificatif ; et l’italien « disegno » ce fonds maniériste que des artistes-théoriciens de la seconde Renaissance italienne comme Zuccari ou Vasari inventent pour distinguer le beau mensonge de « l’art qui montre l’art » du miroir de vérité de « l’art qui cache l’art » de Léonard, Alberti ou Brunelleschi.
C’est ce dessein, pragmatique et maniériste, de rendre le monde toujours plus beau et meilleur par toutes sortes d’artifices, qui se présentent et se pensent comme tels, que donne à voir la dominance planétaire de l’art-design. Nouveau paradigme de notre culture hédoniste, le design est aussi un miroir qui réfléchit le dessein immémorial de l’art, que seule l’épopée callophobe des avant-gardes a mis en question durant quelques décennies : « rendre la vie de tous plus riche en faisant mine, avec plus ou moins d’humour, de servir le pouvoir temporel de ses commanditaires »; quitte à nous donner à comprendre, à rebours, qu’un design privé d’art ne saurait avoir de durée.
C’est pourquoi le design fait montre aujourd’hui d’un sens de l’humour, qui nous invite à traduire la célèbre définition que Léonard donnait de la peinture : « cosa mentale » par « trait d’esprit ». Non pas une « pointe » acérée d’un artiste-designer messianique, qui aurait pour but de dévoiler L’Idée du Beau, du Vrai et du Bien en blessant au passage tous ceux qu’elle n’aurait pas « transverbérés », ni un « witz » fumiste dont la dérision ne viserait qu’à rendre le monde dérisoire, mais un trait d’humour et de bonne humeur relevant du disegno maniériste et du « trickster thinking » des clusters d’aujourd’hui, qui vise à stimuler chez ceux qui se risquent à en faire une expérience s(c)ynesthétique un désir de mieux vivre ensemble.
En regardant, confortablement assis dans un fauteuil Louis Ghost de Starck, qui s’amuse à faire revivre l’esprit Louis XVI dans un médaillon de polycarbonate transparent propre à trouver sa place dans l’intérieur de tous les enfants de La Révolution, les facéties d’un Velasquez s’introduisant en (dé)faiseur de rois dans un tableau dynastique, d’un Véronèse se jouant de l’Inquisition en rebaptisant sa « dernière cène » du réfectoire des dominicains de Santi Giovanni e Paolo en « Repas chez Lévi », d’un Duchamp se déguisant en « Rrose Sélavy » pour transformer un bel urinoir de la maison Mott Iron Works en une fontaine Mutt habile à réchauffer La Joconde d’un titulus : L.H.H.O.Q etc…