Armen Eloyan
En d’imposants formats mettant son corps pleinement en jeu, Armen Eloyan dépeint la face cachée d’un « monde merveilleux » qu’il dé-figure en même temps qu’il en révèle avec force le vrai visage, le côté obscur, chaotique.
Telles des « versions abstraites de l’original », ses peintures, dessins et sculptures reprennent et réaniment des figures familières, prélevées d’une culture populaire mondialisée et d’une mémoire tant individuelle que collective : Mickey Mouse, Donald Duck, Wile E. Coyote et autres icônes de dessins animés et de cartoons resurgissent sous les traits de personnages grotesques aux mœurs douteuses et insoupçonnées, projetés dans des mises en scène endiablées où règnent la violence et le sexe (bien souvent onaniste), et où se dessine en creux la part animale et perverse de l’homme, présent parmi et à travers ces créatures anthropomorphes.Humain et non-humain, tragédie et comédie, féerie et dystopie se rencontrent et se mêlent, formant l’étincelle de récits explosifs, ambigus, tordus, brouillés, qui semblent dialoguer secrètement avec certains épisodes sombres (et parfois enfouis) de l’Histoire, criblée de cicatrices encore fraîches et de plaies toujours ouvertes. Accentuée par le motif récurrent du double — qu’il s’agisse de la combinaison de deux tableaux qui n’en font qu’un ou du nombre de personnages qui y figurent —, la tension dramatique qu’Armen Eloyan génère et installe va de pair avec la présence éparse de texte à la lisibilité confuse. Convoquant l’esthétique du street art comme des comic strips, l’écriture passe ici par une gestuelle doublement « performative », comme nourrie en sous-main par une énergie batcave. Il s’agit de faire parler l’image autant que de faire image via la matière textuelle, selon une logique résolument expressive mais volontiers cryptique et interférentielle, délibérément non communicationnelle.Au Frac des Pays de la Loire se tient une conversation entre plusieurs pièces réalisées au cours de ces dix dernières années, jusqu’à dernièrement, dont s’échappe cet indéfinissable parfum de mélancolie et de désenchantement qui teinte l’œuvre singulier, « dérangé » et dérangeant d’Armen Eloyan. Aux tableaux (simples ou doubles) et dessins de grand voire très grand format s’ajoute un ensemble de sculptures incarnant en volume d’étranges créatures polymorphes et hybrides aux matériaux divers (plâtre, bois, carton, tissu, encre, peinture, etc.). Comme sorties tout droit de certaines œuvres en deux dimensions, les êtres échevelés et dégingandés, tels d’inquiétantes poupées-totems, amplifient par leur présence les phénomènes d’incorporation et d’érection d’une forme de hantise habitant et réfléchissant un monde sur lequel on ne trouve point de fenêtre ouverte, mais porte close. That’s all folks!
Anne-Lou Vicente
Visuel : Armen Eloyan, Portrait 1, 2016 - Courtesy Timothy Taylor Gallery
Complément d'information
Navette gratuite le soir du vernissage. Départ Gare Sud/Nantes à 18h30.
Retour de Carquefou à 22h.
Exposition ouverte du mercredi au dimanche de 14h à 18h
visite commentée le dimanche à 16h
groupes tous les jours sur rendez-vous
entrée libre