Amour Systémique

Exposition
Arts plastiques
Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux Bordeaux
Vue frontale d'un mur blanc, sol en ciment gris. Fixé au mur et au sol un tabouret de type industriel avec un pied en métal peint en gris et l'assise en aluminium - une œuvre de Sung Tieu . A droite un tableau accroché au mur sur lequel on distingue des lignes formés de d'épingles de couleurs - une œuvre de César Andrade. A gauche dans une alcôve une boîte marron porte une étiquette noire sur laquelle est écrit "On Kawara 247 mois / 247 jours", une œuvre de On Kawara

Vue de l’exposition Amour Systémique, Capc Musée d’art contemporain de Bordeaux (07.04.2023 – 05.01.2025). Commissaire Cédric Fauq.
 

Ce récit de collection avec Sung Tieu, artiste invitée, se déploie telle une étude sur un motif : la grille, et pose la question de nos rapports à celle-ci. 

 

Après Le Tour du jour en quatre-vingts mondes (présenté du 15.12.2020 au 11.12.2022 au Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux), ce deuxième récit de collection s’intéresse au motif de la grille, investi par les artistes dès le début du 20e siècle. Dans son essai intitulé Grilles (1979), la critique d’art et historienne de l’art américaine Rosalind Krauss écrit :

“Apparaissant dans la peinture cubiste d’avant-guerre et devenant par la suite plus rigoureuse et plus manifeste, la grille annonce, entre autres choses, la volonté de silence de l’art moderne, son hostilité envers la littérature, le récit et le discours.”

C’est dire que la grille – ainsi que sa composante, la ligne –, a été investie par les artistes dans un refus de « sujet » et une recherche de rationalité qui voulait évacuer la poésie – trop subjective –, pour accéder à l’universel. Mais la grille n’est que faussement neutre et silencieuse, son motif étant  intrinsèquement idéologique : elle est d’abord antinaturelle, symbole d’ordre, et renferme plus qu’elle n’ouvre.

Dans L’oeil de l’Etat. Moderniser, uniformiser, détruire (1998), James C. Scott avance que le motif de la grille prend son origine dans l’élaboration de systèmes comme les unités de mesure, le langage, la notion de propriété et le temps. Il démontre que la grille est un outil primordial pour mesurer, contrôler et normaliser les populations, processus indispensables à la constitution et pérennisation du pouvoir étatique et militaire.

C’est à l’aune de cette approche critique de la grille qu’Amour Systémique regarde comment les artistes ont investi non seulement son motif mais aussi son idéologie : on y trouve des grilles qui ferment et enferment (Présence Panchounette, Takako Saito), mais aussi des œuvres d’artistes qui tentent de défaire la grille (Anne-Marie Pécheur), lui donner d’autres fonctions et valeurs (Mona Hatoum, Olu Ogunnaike) ; des grilles contaminées (Pierre Barès, Gilbert & George) et atomisées (Jean Pierre Raynaud). Plusieurs artistes de l’exposition complexifient notre rapport au temps (Daniel Buren, On Kawara), or nous faisons d’abord l’expérience du temps par la grille qu’est le calendrier.

Aussi, c’est le rapport entre grille et subjectivité qui est au cœur de ce récit de collection, d’où l’apparition de certains artistes qui ne figurent pas la grille mais incarnent une certaine attitude contre les systèmes établis (Nan Goldin et Dan Graham).

L’intrigue principale de l’exposition peut alors se formuler ainsi : Si la grille est symbole d’ordre et de norme, quelles relations affectives pouvons-nous tisser avec celle-ci ? Une relation est-elle-même souhaitable ? Et, si non, comment rompre ?

Un des systèmes qui nous intéresse particulièrement dans ce contexte est celui du musée, qui est lui aussi fait de grilles, et notamment les grilles qui permettent d’accrocher et préserver les œuvres des collections dans les réserves. Aussi certaines œuvres d’Amour Systémique portent sur le
fonctionnement même de l’institution muséale (Danayita Singh) et cherchent même à lui donner une identité (Philippe Thomas, Clémence de la Tour du Pin).

À l’occasion de ce récit de collection, l’artiste vietnamienne et allemande Sung Tieu a été invitée à entrer en dialogue avec les œuvres de la collection du Capc Musée d'art contemporain et intervenir sur l’architecture des galeries. Le travail de Sung Tieu se construit autour des relations qui existent entre forme, esthétique et idéologie. Un des gestes récurrents de son travail consiste à déplacer du mobilier “carcéral” (produit pour et destiné aux prisons), pour les faire apparaître dans ses expositions, questionnant le rapport entre esthétique minimaliste et système oppressif.

Sung Tieu s’intéresse également au motif de la grille. Elle l’emploie notamment dans ses œuvres textiles, qui font également écho à la pièce de Leonor Antunes. Sung Tieu se penche également sur l’implication de la grille dans les approches militaires et diplomatiques des territoires, dans
ce que l’on pourrait appeler la fabrique des frontières. La violence militaire est d’ailleurs également abordée à travers les pièces de Chohreh Feydjzou et Thierry Mouillé.

Amour Systémique regarde aussi du côté des étoiles (Michel Gérard) et de l’astrologie, pour faire se rencontrer les systèmes que nous acceptons et un autre système de croyance, plus facilement questionné. Sung Tieu a commencé à s’emparer de l’astrologie et sa manifestation en thème astral en 2020, après la lecture d’un essai du philosophe Theodor Adorno intitulé Des étoiles à terre : la rubrique astrologique du ‘Los Angeles Times’, étude sur une superstition secondaire.

Dans l’exposition, Sung Tieu inclut une de ses pièces majeures de ces dernières années : un bas-relief en métal qui prend la forme d’une porte de coffre-fort. Au centre de celle-ci est inscrit, sur une surface miroitante, le thème astral de sa mère au moment où celle-ci a traversé la frontière entre la République Tchèque et l’Allemagne. La mère était alors accompagnée de l’artiste, qui avait 5 ans.

D’autres thèmes astraux sur métal ont été produits spécifiquement pour l’exposition : ils figurent la naissance d’artistes dont les œuvres sont présentes dans l’exposition. Enfin, recouvrant toutes les galeries d’Amour Systémique, une œuvre sonore a été conçue par Sung Tieu en
collaboration avec Alexis Chan.

 

Complément d'information

Au cours de l’exposition, trois rotations auront lieu (octobre 2023, avril 2024 et octobre 2024) : certaines œuvres vont laisser place à d’autres (pour des raisons de conservation), tandis que les différentes interventions de Sung Tieu seront modulées.

Un symposium sera organisé par le Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux afin de clôturer ce récit d’exposition à la fin de l’année 2024.

 

Parmi les œuvres présentées, l'exposition Amour Systémique compte neuf dépôts du Cnap au Capc Musée d'art d'art contemporain de Bordeaux, des artistes : César Andrade, Nicole Eisenman, Chohreh Feyzdjou, Liam Gillick, Mona Hatoum, Présence Panchounette, Dayanita Singh, Hiroshi Sugimoto, Shōji Ueda et Marthe Wéry.

Commissaires d'exposition

Autres artistes présentés

Avec : César Andrade, Leonor Antunes, Pierre Barès, Jean-Pierre Bruneaud, Daniel Buren, capcMusée d’art contemporain (Philippe Thomas), Isabelle Cornaro, Nicole Eisenman, Chohreh Feyzdjou, Johan Furåker, Michel Gérard, Gilbert & George, Claude Gilli, Liam Gillick, Nan Goldin, Dan Graham, Peter Halley, Mona Hatoum, Carmen Herrera, Lubaina Himid, Noritoshi Hirakawa, On Kawara, Clémence de La Tour du Pin, Sol LeWitt, Nicolas Milhé, Thierry Mouillé, Olu Ogunnaike, Masahide Otani, Anne-Marie Pécheur, Présence Panchounette, Jean Pierre Raynaud, Takako Saito, Dayanita Singh, Meredyth Sparks, Hiroshi Sugimoto, Niklas Taleb, Thomas Teurlai et Ugo Schiavi, Sung Tieu, Shōji Ueda, Fredrik Vaerslev, Mona Varichon, Claude Viallat, Marthe Wéry

Précédemment présentés : Irma Blank, David Boeno, Claude Lagoutte, Guillaume Leblon, Benoît Maire, Max Neuhaus, Bernard Pagès, Ed Ruscha, Wolfgang Tillmans, Kaari Upson, Danh Vō

Horaires

Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h
De 11h à 20h le 2e mercredi du mois
Fermé les lundis et jours fériés sauf les 14 juillet et 15 août

Tarifs

Plein tarif
- 8.00€
Tarif réduit
- 4.50€
Tarif étudiant
- 2.00€

Adresse

Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux 7 rue Ferrère 33000 Bordeaux France
Dernière mise à jour le 15 novembre 2023