Biographie

De tous les anciens étudiants de la Villa Arson qui ont entrepris, en ce début des années 2000, de se projeter dans une carrière artistique, Aïcha Hamu est une des figures les plus émouvantes, parce que son œuvre assure d'emblée, dans le domaine de la représentation, la tension entre deux attitudes apparemment opposées : celle de la projection imaginaire et celle de l'incarnation. Sur le premier versant de son œuvre s'inscrit une série de propositions polymorphes, diversifiées aussi bien par leur situation dans l'espace que par la matériologie dont elles sont constituées, qui vont de la production d'objets intimes comme ses coussins de satin blanc où apparaissent par grattage des évocations de visages hurlants (Eleven Dreams, 2006) jusqu'à des installations réalisées « in situ » à l'échelle quelquefois géante des espaces qu'elles modifient (Nosferatu, le Dojo, 2004).Cette diversité des situations et des présentations du travail est cependant intimement articulée par une relation très particulière à l'idée du dessin qui sous-tend toute l'oeuvre depuis ses débuts. Que ce soit des grattages, des découpages, des broderies, des flocages au henné, des éclaboussures stylisées, cette référence à la première activité imageante des systèmes de représentation historiques traverse toutes les déclinaisons de l'oeuvre. Comme sur un autre plan, elle re-figure à travers des évocations tour à tour glamour et inquiétantes une imagerie dont les sources et les formes empruntent leurs formules esthétiques, sophistiquées et décoratives à une re-visitation du Pop Art.

Dans le droit-fil de cette filiation, les images produites par le dessin sont médiatisées par les procédés froids de la reproduction mécanique, paradoxalement repris à la main avec soin dans la mise en œuvre qui leur confère un aspect « cousu main » quasi artisanal, une sorte de pauvreté troublante dans le luxe des réalisations. Sur l'autre versant de son œuvre, celui de l'incarnation, Aïcha Hamu est chanteuse et bassiste dans le groupe rock électronique Alpha-60, où elle campe un personnage à mi- chemin du cabaret allemand de l'entre-deux guerres et d'un film de David Lynch (Mulholland Drive, par exemple). Ici encore, nous sommes dans le domaine de l'image où l'artiste utilise son corps, sa gestuelle, sa voix, dans une version spectaculaire et presque cinématographique de la performance où l'on peut repérer certains des accents sophistiqués, glamour et nostalgiques qui font le sel de son œuvre visuelle. Il semble qu'actuellement, à partir du lexique qui est le sien et, forte de cette double personnalité artistique, Aïcha Hamu ait décidé d'investir une problématique de l'environnement global, laissant pour le moment de côté la production d'objets autonomes.

Dans cette perspective, qui aboutira à des installations importantes, l'expérience intime de ce qui est scénique dans la représentation devrait donner à son œuvre à venir une qualité singulière : une dilatation du cadre imaginaire du travail au service d'une ambition artistique renouvelée.

Jean Marc Reol, novembre 2006

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Source

Galerie Catherine Issert

Dernière mise à jour le 19 novembre 2020