L’Étoile de Bethléem d’Auguste-Barthélémy Glaize, 1846

Par Pierre-Yves Corbel
Auguste-Barthélémy Glaize, L’Étoile de Bethléem, 1846

Auguste-Barthélémy Glaize, L’Étoile de Bethléem (Salon de 1846). Huile sur toile 400 cm x 330 cm (FNAC PFH-2892). En dépôt à l’église de Quesnoy-sur-Airaines, depuis 1848.

L’Étoile de Bethléem, par Auguste-Barthélémy Glaize

L’Étoile de Bethléem, par Auguste-Barthélémy Glaize (Salon de 1846, FNAC PFH-2892). En dépôt à l’église de Quesnoy-sur-Airaines, depuis 1848. Détail : enfant aux pieds du roi Balthazar.

L’Étoile de Bethléem, par Auguste-Barthélémy Glaize

L’Étoile de Bethléem, par Auguste-Barthélémy Glaize (Salon de 1846, FNAC PFH-2892). En dépôt à l’église de Quesnoy-sur-Airaines, depuis 1848. Détail : le roi Balthazar

C’est certainement auprès de ses maîtres Achille et Eugène Deveria que le peintre Auguste-Barthélémy Glaize (1807-1893) a contracté le goût des mises en scène colorées et de la surcharge anecdotique qui lui valurent dès ses débuts (salon de 1836) d’être enrôlé sous la bannière de « l’école romantique ». Qualificatif qui ne suffit pas à le définir car, tout au long de sa carrière il sut s’adapter et modifier son style au gré du marché, des modes et de ses propres convictions politiques et philosophiques.

L’Étoile de Bethléem (FNAC PFH-2892) présenté au salon de 1846 (n° 786 du catalogue), aujourd’hui conservé dans l’église de Quesnoy-sur-Airaines (Somme) illustre bien cette veine romantique quelque peu débridée, l’équivalent 19è siècle d’un péplum cinémascope des années 1950. Vision d’autant plus frappante qu’il s’agit d’un tableau évidemment surdimensionné (4m x 3,3m) par rapport à la nef de l’église rurale dans laquelle il est accroché depuis 1848.

L’explication de la présence incongrue de cette « grande machine » en ce lieu est en fait très prosaïque. Chargé d’exécuter un tableau « de sainteté » par les Beaux-Arts en août 1848, Glaize proposa de s’acquitter de cette commande en livrant L’Étoile de Bethléem qui encombrait son atelier depuis deux ans déjà. Ce n’est bien sûr pas ainsi qu’il présente le marché à l’administration, insistant sur la qualité de l’œuvre (« un de mes plus consciencieux ouvrages ») et sur le prix avantageux auquel il est prêt à le céder (1500 Francs). Quoiqu’il en soit les Beaux-Arts dont le fonctionnement administratif était peut-être perturbé dans le contexte très « fluide » de la Révolution de 1848 et de l’avènement de la Seconde République - acceptèrent cet arrangement et affectèrent à la petite église de Quesnoy-sur-Airaines une œuvre monumentale plutôt destinée à une salle de Musée ou à une cathédrale.

Dans les années 1840, les défenseurs de la grande peinture académique étaient choqués par l’extravagance stylistique de Glaize. Le Journal des Artistes (numéro du 29 mars 1846) commente ainsi L’Étoile de Bethléem : « Quel cliquetis ! Quel fracas ! En voulez-vous ? En voilà. Quel abus de facilité ! Quel abus de brillantes dispositions !  » tandis qu’Alfred des Essarts s’exclame : « On ne saurait, en conscience, tolérer de pareilles aberrations ; car traiter de la sorte un sujet sacré, c’est lui enlever son caractère. Et quelle bonne impression voulez-vous que le tableau de M. Glaize produise dans une chapelle sur l’esprit de la foule ? » (L’Echo Français, 1er avril 1846).

Baudelaire se montre également sévère, reprochant à Glaize sa « composition embrouillée » et le manque d’harmonie dans le choix des couleurs : « Les commis étalagistes et les habilleurs de théâtre ont aussi le goût des tons riches ; mais cela ne fait pas le goût de l’harmonie » (Salon de 1846).

Au fond, la vision et la mise en scène de Glaize venaient brouiller les codes bien établis de la peinture religieuse. Glaize illustre l’histoire religieuse avec la même verve et la même liberté que s’il s’agissait d’une scène d’histoire profane : coloris vifs et chatoyants, composition à multiples personnages, accumulation des costumes et des accessoires. En ce sens L’Étoile de Bethléem peut tout à la fois être considérée comme une œuvre religieuse, orientaliste, décorative.

Glaize lui-même est d’ailleurs très représentatif des hésitations et de l’éclectisme de son siècle. Inclassable et prolifique, il a abordé à peu près tous les genres : peinture religieuse (décors monumentaux dans les églises Saint-Eustache, Saint-Gervais et Saint-Jacques du Haut-Pas à Paris) ; peinture d’histoire (Les femmes gauloises, 1851, au musée d’Autun) ; peinture « philosophique » célébrant les grandes figures émancipatrices de l’Humanité (Le Pilori, 1855, musée des Beaux-Arts de Marseille).

Pierre-Yves Corbel
Conservateur en chef du patrimoine
Mission de récolement
Centre national des arts plastiques
 

Sources

Archives nationales : F/21/33 Dossier n° 5

Delaunay, A.H. Catalogue complet du Salon de 1846.

Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique, publiée par G. d’Heylli, n° du 31 août 1893

Rykner, Didier : Cinq tableaux du XIXe siècle conservés dans des églises de Picardie (La Tribune de l’art, mai 2003)

Dernière mise à jour le 21 avril 2021